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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/137

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cêtres, les pères de la liberté suisse, se réunirent dans la plaine immortelle de Rutli, entre Uri et Unterwalden. C’est ainsi qu’ils se jurèrent les uns aux autres, à la face du ciel azuré, de rendre la liberté à leur patrie opprimée ; et l’histoire peut dire s’ils ont bien tenu leur parole. — L’histoire dira aussi comment les Suisses actuels auront su conserver la liberté que leurs pères ont conquise… Continuez vos rondes, mon cher Rudolphe, et soyez convaincu qu’au signal du capitaine, les soldats ne se feront pas long-temps attendre… tout reste arrangé comme par le passé, à moins que vous n’ayez à nous donner de nouveaux ordres. — Écoute ici, Laurenz, » dit Rudolphe au cavalier bleu… et Arthur put l’entendre qui lui disait : « Veille, mon ami, à ce qu’on ne sable pas immodérément le vin du Rhin… S’il y en a une trop grande provision, arrange-toi de manière à briser les flacons… une mule peut trébucher, tu sais, ou tout autre accident de ce genre peut arriver. Tiens ferme contre Rudiger sur ce point. Il est devenu très grand buveur depuis qu’il est avec nous. Il nous faut des cœurs et des mains pour ce que nous pouvons avoir à faire demain… » Ils causèrent alors si bas qu’Arthur n’entendit plus rien de leur conversation, et ils se dirent adieu, en se serrant la main, comme s’ils renouvelaient quelque serment solennel d’union.

Rudolphe et sa troupe se mirent alors en marche. Ils étaient à peine hors de la vue de leurs nouveaux associés, que la vedette, c’est-à-dire l’homme de la patrouille qui marchait en avant, donna l’alarme. Le cœur d’Arthur battit violemment… « C’est Anne de Geierstein ! » se dit-il intérieurement.

« Les chiens se taisent, observa le Bernois, ceux qui approchent doivent être de nos compagnons de garde. »

C’était en effet Rudiger et sa troupe qui, faisant halte dès qu’ils aperçurent leurs camarades, donnèrent et reçurent dans les formes les mots d’ordre convenus, tant les Suisses étaient déjà avancés dans la discipline militaire qui n’était que peu étudiée par l’infanterie dans les autres contrées de l’Europe. Arthur put entendre Rudolphe réprimander son ami Rudiger de ne s’être point trouvé au rendez-vous marqué. « Votre arrivée, lui disait-il, va être le signal de nouvelles libations, et demain doit nous trouver froids et résolus.

« Froids comme glace, noble capitaine, répondit le fils du landamman, et solides comme les rocs qui en sont recouverts. »

Rudolphe recommanda encore la tempérance, et le jeune Biederman promit d’être obéissant. Les deux troupes défilèrent l’une à