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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/175

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pu effaroucher un hérisson en colère avec mon simple doigt. J’ai surveillé Graff’s-Lust moi-même… il y avait des sentinelles sur les murailles du château, une sentinelle sur le pont, outre une patrouille régulière de ces damnés de Suisses qui faisait bonne garde : aussi n’y avait il rien à faire ; autrement, moi qui connais l’ancienne querelle de Votre Excellence, je les aurais étrillés de la belle manière, sans qu’ils sussent jamais d’où leur venaient les coups. — Baste ! ils vaudront davantage la peine qu’on épie leur arrivée. Ils vont venir tout tranquilles et confiants, dans toute leur splendeur, avec les chaînes d’argent de leurs femmes, leurs médailles, leurs anneaux de plomb et de cuivre… Ah, les vils manants ! ils sont indignes qu’un homme de sang noble veuille bien les débarrasser de leurs friperies ! — Ils ont avec eux de meilleures marchandises, si l’on ne m’a pas trompé. Il y a des marchands… — Bah ! les bêtes de somme de Berne et de Soleure, avec leurs pitoyables effets, leur drap trop grossier pour faire des couvertures à des chevaux de bonne race, et leur toile qui a l’air d’être plutôt faite de crin que de chanvre : je les dépouillerai pourtant, ne fût-ce que pour les vexer, les coquins ! Quoi ! non contents d’être traités comme un peuple indépendant et d’envoyer dans les cours étrangères députations et ambassades, ils comptent, j’en suis certain, faire entrer, sous leur nom d’ambassadeurs, tout une cargaison de marchandises de contrebande, et insulter ainsi le noble duc en même temps qu’ils le volent ? Mais d’Hagenbach n’est ni chevalier ni gentilhomme s’il les laisse passer sans leur rien dire. — Et ils valent bien plus la peine d’être arrêtés que ne le suppose Votre Excellence, car ils ont des marchands anglais avec eux et sous leur protection. — Des marchands anglais ! » s’écria d’Hagenbach les yeux étincelants de joie ; « des marchands anglais, Kilian ! On parle du Cathay et de l’Inde, où il y a des mines d’argent, d’or et de diamants ; sur mon honneur de gentilhomme, je crois que ces animaux d’insulaires ont des caves de trésors dans leur vilain pays ! Et puis la variété de leurs riches marchandises… Ah ! Kilian, y a-t-il une longue suite de mulets… un joyeux tintement de grelots ? Par le gant de Notre-Dame ! le son en retentit déjà à mes oreilles, plus harmonieusement que toutes les harpes de tous les troubadours d’Heilbron ! — Non, monseigneur, la file n’est pas longue… seulement deux hommes, à ce que j’ai pu savoir, avec à peine assez de bagage pour en charger une mule ; mais ce bagage est, dit-on, d’une valeur infinie : des soies et du satin, des broderies et des fourrures, des dia-