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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/232

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la ville, et spécialement parmi les soldats de feu d’Hagenbach, ils apprirent enfin que Charles avait été en dernier lieu occupé à prendre possession de la Lorraine, et que, se trouvant alors soupçonné d’intentions ennemies à l’égard de l’empereur d’Allemagne aussi bien que du duc Sigismond d’Autriche, il avait rassemblé une grande partie de son armée sur Strasbourg, de manière à être prêt contre toute attaque de ces princes ou des villes libres de l’Empire qui pouvaient vouloir arrêter le cours de ses conquêtes. Le duc de Bourgogne, à cette époque, méritait bien l’épithète de Téméraire, puisque entouré d’ennemis, comme un des plus nobles animaux que poursuit le chasseur, il étonnait encore par sa contenance ferme et audacieuse non seulement les princes et les États que nous avons mentionnés, mais aussi le roi de France, non moins puissant, mais beaucoup plus fin politique que lui-même.

Les voyageurs anglais se dirigèrent donc vers son camp, tellement plongés tous deux dans des réflexions profondes et mélancoliques, qu’ils étaient incapables de donner beaucoup d’attention à l’état d’esprit l’un de l’autre. Ils cheminaient à cheval comme gens absorbés dans des pensées intimes, et causant beaucoup moins qu’ils n’avaient coutume de le faire dans leurs voyages précédents. La noblesse de caractère du vieux Philipson et son respect pour la probité du landamman, l’avaient empêché de séparer sa cause de celle des députés suisses, et il ne se repentait pas de la générosité dont il avait donné une preuve en s’attachant à eux. Mais quand il se rappelait la nature et l’importance des affaires personnelles qu’il avait lui-même à régler avec un prince fier, impérieux et irritable, il ne put que regretter les circonstances qui avaient fait confondre sa mission particulière, mission qui l’intéressait si fortement lui-même et ses amis, avec celle de gens qui devaient probablement être si peu agréables au duc qu’Arnold Biederman et ses compagnons ; et quoique plein de reconnaissance pour l’hospitalité de Geierstein, il déplorait néanmoins les circonstances qui l’avaient obligé à l’accepter.

Les pensées d’Arthur n’étaient pas moins inquiètes. Il se trouvait de nouveau séparé de l’objet auquel revenaient constamment toutes ses idées, presque contre sa propre volonté. Cette seconde séparation avait eu lieu lorsqu’il venait de contracter envers elle une nouvelle dette de reconnaissance, et de trouver un aliment nouveau et plus mystérieux encore à une ardente imagination. Comment pouvait-il concilier le caractère et les qualités d’Anne de