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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/260

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qu’ils n’avaient pris aucune part aux censures de Philipson, et la plupart d’entre eux proposèrent à John Mengs de se venger sur le vrai coupable en le mettant tout de suite à la porte, plutôt que d’envelopper tant de personnes innocentes et affamées dans les conséquences de son crime. Ils déclarèrent le vin exquis ; deux ou trois vidèrent même leurs coupes pour donner plus de force à leurs paroles, et tous offrirent, sinon leur vie et leur fortune, du moins les mains et les pieds pour soutenir l’honneur de la maison contre le rebelle Anglais. Tandis que les pétitions et les remontrances assaillaient John Mengs de tous côtés, le moine, en sage conseiller et en ami fidèle, cherchait à terminer la querelle en engageant Philipson à se soumettre au bon plaisir de l’aubergiste.

« Humilie-toi, mon fils, lui dit-il ; abaisse l’orgueil de ton cœur devant ce puissant seigneur du tonneau et du robinet. Je parle dans l’intérêt des autres aussi bien que dans le mien ; car le ciel seul sait combien de temps eux ou moi nous pouvons endurer la faim qui nous dévore. — Dignes voyageurs, dit Philipson, je suis fâché d’avoir offensé notre respectable hôte, et tant s’en faut que je médise du vin, que je vais en payer un nouveau flacon, qui circulera parmi l’honorable société… pourvu que seulement on ne m’invite pas à en boire ma part. »

Ces derniers mots furent prononcés plus bas que les autres ; mais l’Anglais ne put manquer de s’apercevoir, aux grimaces que firent certaines personnes de la compagnie douées d’un palais plus fin, qu’elles étaient aussi effrayées que lui-même d’une nouvelle dose de l’acide breuvage.

Le moine, s’adressant alors à l’assemblée, proposa que le marchand étranger, au lieu de payer l’amende en donnant une mesure de la liqueur qu’il avait calomniée, offrit au public une égale quantité de vin plus généreux qu’on ne servait ordinairement qu’après la fin du repas. L’hôtelier et les convives y trouvaient leur avantage ; et comme Philipson ne faisait aucune objection, la proposition fut unanimement adoptée, et John Mengs donna de son siège élevé le signal pour servir le souper.

Le festin long-temps attendu arriva enfin, et on mit à le manger le double de temps qu’on avait passé à l’attendre. Les plats dont se composait le souper, aussi bien que la manière de les servir, étaient calculés de manière à lasser la patience de la société, ainsi que le délai qui en avait précédé la venue. Des jattes énormes de potage et de légumes se succédèrent d’abord ; ensuite des plats de viandes