Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment d’hésitation, « qu’il ne ma jamais dit un mot sur un sujet dont, sans connaître ses sentiments ni les miens, tu es venue m’entretenir. — Est-il possible ? répliqua Annette. Je pensais… je croyais, quoique je ne vous eusse jamais priée de me faire confidence… que vous deviez, attachés comme vous l’étiez l’un à l’autre… avoir causé ensemble bien des fois en amants qui ne se gênent pas. J’ai fait mal en croyant faire pour le mieux… Est-il possible ?… À la vérité, j’ai entendu conter de pareilles choses même dans notre canton… Se pourrait-il qu’il eût nourri un aussi abominable projet que Martin de Brisac, qui fit l’amour à Adèle de Sungdau, la rendit folle, et… la chose, quoique presque incroyable, est vraie… prit la fuite… quitta le pays, et se vanta de son infâme trahison, jusqu’à ce que Raymond, cousin d’Adèle, mît à jamais fin aux vanteries insultantes de Martin, en lui cassant la tête avec son bâton dans la rue même de la ville natale du vilain ? Par la sainte Mère d’Einsielden ! si je pouvais soupçonner cet Anglais de méditer une semblable perfidie, je scierais la planche qui sert de pont sur le fossé, de manière que le poids d’un moucheron suffît pour la rompre, et qu’il allât se repentir, à six toises au dessous, d’avoir osé songer à déshonorer la fille adoptive de la Suisse. »

Tandis qu’Annette Veilchen parlait, tout le feu de son courage de montagnarde brillait dans ses yeux, et elle n’écouta qu’avec répugnance Anne de Geierstein cherchant à effacer l’impression fâcheuse que ses dernières paroles avaient produite sur la simple mais fidèle suivante.

« Sur ma parole, dit-elle, sur mon âme, vous faites injure à Arthur Philipson, une criante injure, en exprimant un tel soupçon : sa conduite envers moi a toujours été droite et honorable, celle d’un ami envers une amie, d’un frère envers une sœur… il lui aurait été impossible, dans tout ce qu’il a fait et dit, d’être plus respectueux, plus complètement dévoué, plus candidement loyal dans nos fréquentes entrevues : dans toutes nos relations il m’a toujours, il est vrai, semblé fort bon, fort attaché ; mais si j’avais été disposée… parfois peut-être ne l’ai-je été que trop… à l’écouter, à le laisser dire, peut-être alors… » Là, la jeune dame mit la main sur ses yeux, mais ses larmes coulèrent à travers ses jolis doigts… « Cependant, continua-t-elle, il ne m’a jamais parlé d’amour, de préférence… à coup sûr, s’il a conçu un pareil sentiment, quelque obstacle insurmontable de sa part l’a empêché de m’ouvrir son cœur. — Un obstacle ! répliqua la jeune suivante. Oui, sans doute…