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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/304

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cette circonstance pour désabuser notre ami l’Anglais des absurdes bruits qu’il a entendu conter avec doute et surprise peut-être, mais non avec une complète incrédulité.

« Signor Arthur Philipson, continua-t-elle, il est vrai que mon grand-père du côté maternel, le baron Herman d’Arnheim, fut un homme d’un profond savoir dans les sciences abstraites ; il fut aussi président d’un tribunal dont vous avez infailliblement ouï parler, et qui se nommait la Sainte-Vèhme. Une nuit, un étranger, poursuivi de près par les agents de cette association, que, dit-elle en se signant, l’on ne nomme pas même sans danger, arriva au château, lui demanda protection et réclama tous les privilèges de l’hospitalité. Mon grand-père, s’y croyant autorisé par le rang d’adepte auquel l’étranger était parvenu, lui donna sa protection, et s’engagea à le livrer au tribunal secret pour y répondre à l’accusation portée contre lui, après un an et un jour, délai qu’il était en droit, à ce qu’il paraît, d’obtenir en sa faveur. Ils étudièrent ensemble pendant cet intervalle et poussèrent leurs recherches dans les mystères de la nature aussi loin, suivant toute probabilité, que des hommes ont la puissance de le faire. Quand arriva le jour fatal où l’étranger devait quitter son hôte, il demanda la permission d’amener sa fille au château pour y échanger leurs derniers adieux. Elle fut introduite avec le plus grand secret, et, au bout de quelques jours, voyant que le sort de son père était si incertain, le baron, du consentement de l’adepte, convint de donner asile à l’orpheline dans son château, espérant se perfectionner, grâce à elle, dans la connaissance des langues et des sciences de l’Orient. Dannischemend, son père, quitta le château pour aller se livrer à la sainte vèhme, siégeant à Fulde. L’issue de l’accusation est inconnue : peut-être fut-il sauvé par le témoignage du baron d’Arnheim, peut-être fut-il abandonné au glaive et à la corde. Sur de semblables matières, qui ose parler ?

« La belle Persane devint l’épouse de son gardien et protecteur. À beaucoup d’excellentes qualités se joignait chez elle un singulier penchant à l’indiscrétion : elle profita de son costume étranger, de ses manières orientales, aussi bien que d’une beauté qui, dit-on, était merveilleuse, et d’une agilité sans égale, pour imposer aux ignorants et se rendre redoutable aux dames allemandes qui, l’entendant parler perse et arabe, étaient déjà disposées à la croire versée dans les sciences défendues. Elle était d’une imagination légère et brillante, et prenait plaisir à se montrer sous diverses cou-