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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/342

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aussi puissant que Votre Altesse, il n’y a de voisin sûr que la mer. Voici la Provence qui se trouve entre vous et la Méditerranée, la Provence avec ses ports magnifiques, ses champs de blé et ses vignobles si fertiles. Ne serait-il pas bien de l’enfermer dans la carte de votre royaume et de toucher ainsi la mer du milieu d’un côté, et de l’autre celle qui baigne les côtes de Flandre ? — La Provence, dites-vous ? » répliqua le duc avec chaleur ; « ma foi, ami, je ne vois dans mes rêves que la Provence. Je ne puis sentir une orange sans qu’elle m’en rappelle les bois et les bosquets embaumés, les olives, les citrons et les grenades. Mais comment réaliser mes prétentions sur ce point ? Il serait honteux de ma part de troubler René, cet innocent vieillard, moi surtout qui suis son proche parent. Puis il est oncle de Louis, et très probablement, à défaut de sa fille Marguerite, ou peut-être de préférence à elle, il a déjà nommé le roi de France son héritier. — De plus hautes prétentions pourraient être élevées par la personne même de Votre Altesse, dit le comte d’Oxford, si vous vouliez prêter à Marguerite d’Anjou le secours qu’elle vous demande. — Prenez l’assistance que vous demandez, » répliqua aussitôt le duc ; « prenez-en le double en hommes ainsi qu’en argent ; que j’aie seulement un droit à faire valoir sur la Provence, fût-il aussi faible qu’un cheveu de votre reine Marguerite, et seul je me charge de le rendre plus fort qu’un câble quadruple… mais je suis bien fou d’écouter les rêves d’un homme qui, ruiné lui-même, ne peut rien perdre en faisant concevoir aux autres les plus extravagantes espérances. »

En parlant ainsi, Charles respirait fortement et changeait de couleur.

« Je ne suis pas un tel homme, monseigneur duc, répliqua le comte. Écoutez-moi… René est accablé d’années, ne demandant que du repos, et trop pauvre pour maintenir son rang avec la dignité nécessaire ; trop bon de caractère, ou trop faible d’esprit pour mettre de nouveaux impôts sur ses sujets ; las de lutter contre la mauvaise fortune et désireux de céder son territoire… — Son territoire ? — Oui, tout ce qu’il possède actuellement ; et les domaines beaucoup plus étendus qu’il avait à réclamer, mais qu’il s’est laissé prendre. — Vous m’ôtez la respiration ! René, céder la Provence ! Et que dit Marguerite la fière, la hautaine Marguerite ?… Souscrira-t-elle à des conditions si humiliantes ? — Pour la chance de voir Lancastre triompher en Angleterre, elle renoncerait non seulement à tout domaine, mais encore à la vie. Il est