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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/360

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Arthur s’inclina et fit signe au plus âgé des soldats d’aller en avant pour indiquer la route, et tous, abandonnant les rênes à leurs coursiers, traversèrent le lieu de campement d’un bon pas, le jeune chef faisant des signes d’adieu à son père et à Colvin.

Le comte se tenait immobile comme un homme qui rêve, suivant son fils des yeux, et plongé dans une espèce d’impassibilité dont il sortit seulement lorsque Colvin vint à lui dire : « Je ne m’étonne pas, milord, que vous soyez inquiet au sujet du jeune homme ; sa tournure est des plus séduisantes, et il mérite bien les soucis d’un père, car les temps où nous vivons sont ceux de la perfidie et de la cruauté. — Dieu et sainte Marie me sont témoins, répliqua le comte, que, si je suis triste, ce n’est pas seulement pour ma maison… que, si je suis inquiet, ce n’est pas par rapport à mon fils seul… mais il est dur de risquer un dernier enjeu dans une cause si périlleuse… Quels ordres m’apportez-vous de la part du duc ? — Son Altesse, répondit Colvin, sortira à cheval après déjeuner. Il vous envoie quelques vêtements, peu convenables à votre véritable qualité, mais plus conformes du moins à votre rang que ceux dont vous êtes maintenant couvert, et il désire que, gardant votre incognito comme marchand anglais de distinction, vous l’accompagniez dans sa course à Dijon où il doit recevoir la réponse des États de Bourgogne, concernant des matières soumises à leur examen, et ensuite donner une audience publique aux députés suisses. Son Altesse m’a chargé du soin de vous trouver une place convenable durant les cérémonies de la journée, auxquelles il pense que, comme étranger, vous serez bien aise d’assister. Mais il vous a probablement dit tout cela lui-même, car je crois que vous l’avez vu cette nuit déguisé… Allons, ne prenez pas cet air étonné… le duc emploie cette ruse trop souvent pour s’en servir avec mystère ; les palefreniers eux-mêmes le reconnaissent lorsqu’il traverse les tentes des simples soldats, et les vivandières l’appellent l’espion espionné. si c’était seulement l’honnête Henri Colvin qui connût à Charles cette habitude, ses lèvres n’en diraient rien ; mais elle est pratiquée trop ouvertement, et elle est beaucoup trop notoire. Allons, noble lord, quoique je doive habituer ma langue à ne pas vous donner ce titre, voulez-vous venir déjeuner ? »

Le repas, suivant l’usage de l’époque, était somptueux et solide ; et un officier favori du grand duc de Bourgogne ne manquait pas, ou peut le croire, de moyens d’offrir une hospitalité splendide à un hôte qui avait droit à un si haut respect ; mais avant la fin du dé-