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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/374

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choix de mourir laboureur et chasseur dans les Alpes d’Unterwalden, il m’est cependant permis par ma naissance de réclamer le droit héréditaire de parler devant des ducs et des rois, devant l’empereur lui-même. Il n’est personne, monseigneur duc, dans cette illustre assemblée, qui tire son origine d’une source plus noble que Geierstein. — Nous avons entendu parler de vous, dit le duc. On vous appelle le paysan-comte. Votre naissance fait votre honte, ou peut-être celle de votre mère, si votre père s’est trouvé avoir un beau charretier, digne d’être le père d’un homme qui est devenu volontairement serf. — Non pas serf, monseigneur, répondit le landamman, mais homme libre, qui ne veut ni opprimer les autres ni être tyrannisé lui-même. Mon père était un noble seigneur et ma mère une vertueuse dame. Mais vous avez beau me provoquer par d’ignobles et dédaigneuses plaisanteries, vous ne m’empêcherez pas de vous expliquer avec calme ce que mon pays m’a chargé de vous dire. Les habitants des froides et inhospitalières régions des Alpes désirent, puissant seigneur, rester en paix avec tous leurs voisins, et jouir du gouvernement qu’ils ont choisi, comme le mieux approprié à leur condition et à leurs habitudes, laissant les autres états et les autres contrées agir comme bon leur semble sous ce rapport. Surtout, ils désirent rester en paix et en bonne intelligence avec la puissante maison de Bourgogne, dont les domaines avoisinent leurs possessions en si grand nombre d’endroits. Monseigneur, ils le désirent, ils le demandent, ils consentent même à vous en supplier. On nous a appelés opiniâtres, intraitables, insolents contempteurs de toute autorité, provocateurs de séditions et de révoltes. En preuve du contraire, moi, monseigneur, qui ne plie jamais le genou que pour m’adresser au ciel, je ne me crois pas déshonoré en m’agenouillant devant Votre Altesse, comme prince souverain tenant cour plénière de ses domaines où il a droit d’exiger l’hommage de ses sujets par devoir, et des étrangers par politesse. Jamais un vain orgueil, » dit le noble vieillard, ses yeux se mouillant de larmes tandis qu’il mettait un genou en terre, « ne me fera reculer devant une humiliation personnelle, lorsque la paix… cette heureuse paix, si chère à Dieu, si précieuse, inappréciable pour l’homme… est en danger d’être rompue. »

Toute l’assemblée, même le duc, fut touchée de la manière noble et imposante avec laquelle le brave vieillard fit une génuflexion qui n’était évidemment dictée ni par la bassesse ni par la crainte. « Levez-vous, monsieur, dit Charles ; si nous avons dit des choses