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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/479

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n’est pas un jour comme celui-ci que je veux le quitter. — Si tel est votre bon plaisir, dit Thibaut, j’ai vu le duc suivi d’une dizaine de ses gardes traverser à franc étrier cette rivière profonde, et courir vers la plaine du côté du nord. Je crois que je pourrais vous guider sur ses traces. — En ce cas, répondit Oxford, montons à cheval et suivons-le. Le camp a été assailli en plusieurs endroits à la fois, et tout doit être perdu, quoiqu’il ait fui. »

Le comte d’Oxford, bien qu’aidé par eux, eut grand’peine à se placer en selle, et galopa aussi vite que le lui permirent ses forces, revenues peu à peu, dans la direction que leur indiquait le Provençal. Les autres domestiques furent dispersés ou tués.

Ils tournèrent plus d’une fois la tête vers le camp qui était alors le théâtre d’un vaste incendie, dont la lueur brillante et rougeâtre leur permit de découvrir sur la terre les traces de la retraite de Charles. À trois milles environ du lieu de leur défaite, d’où les cris des vainqueurs, qu’ils entendaient encore, se mêlaient au son des cloches de Nanci qui sonnaient la victoire, ils atteignirent une mare à demi-gelée, autour de laquelle gisaient plusieurs cadavres. Le premier qu’ils distinguèrent fut celui de Charles de Bourgogne, naguère possesseur d’un pouvoir si illimité, de richesses si vastes. Il était en partie dépouillé et mis à nu comme ses compagnons d’infortune. Son corps était couvert de nombreuses blessures portées avec différentes armes. Son épée était encore dans sa main, et la singulière férocité qui avait coutume d’animer ses traits durant une bataille, demeurait encore sur son visage froid. Tout près de lui, comme s’ils étaient tombés en combattant l’un contre l’autre, gisaient le corps d’Albert, comte de Geierstein, et celui d’Ital Schreckenwald, serviteur fidèle, quoique peu scrupuleux de ce dernier, était étendu quelques pas plus loin. Tous deux portaient l’uniforme des hommes d’armes du duc, déguisement qu’ils avaient sans doute pris pour exécuter la fatale commission du tribunal secret. On suppose qu’un détachement des hommes du traître Campo-Basso prit part à l’escarmouche où le duc avait perdu la vie, car six ou sept d’entre eux, et un nombre à peu près égal des gardes du duc furent trouvés morts au même endroit.

Le comte d’Oxford descendit de cheval, et examina le corps inanimé de son ancien compagnon d’armes, avec toute la douleur que lui inspirait le souvenir de sa vieille affection. Mais tandis qu’il s’abandonnait aux sentiments que lui inspirait un si douloureux exemple de la chute des grandeurs humaines, Thibaut, qui avait