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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/481

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mais, assure-t-on, réunir une autre armée. — Jamais, jeune homme, dit le comte d’Oxford, car vous le voyez mort devant vous. »

Sigismond tressaillit ; car il attachait un grand respect, et même une espèce de crainte au nom terrible de Charles-le-Téméraire, et il pouvait à peine croire que le cadavre déchiré qui gisait sous ses yeux fût le personnage qu’on lui avait appris à redouter. Mais sa surprise fut mêlée de douleur, lorsqu’il aperçut aussi le corps de son oncle, le comte Albert de Geierstein.

« Ô mon oncle ! dit-il… mon cher oncle Albert, toute votre grandeur, toute votre sagesse ne vous ont-elles amené qu’à mourir aux bords d’une mare comme un malheureux mendiant !… Allons, il faut cependant porter cette triste nouvelle à mon père, et la mort de son frère va encore augmenter la vive douleur que lui cause déjà l’infortune du pauvre Rudiger ; mais c’est une petite consolation de penser que mon père et mon oncle étaient ennemis irréconciliables. »

Ils aidèrent encore avec quelque peine le comte d’Oxford à remonter à cheval, et ils se remettaient déjà en route lorsque le noble Anglais dit : « Voudrez-vous placer ici une garde pour préserver ces corps de nouvelles insultes, afin qu’on puisse les enterrer avec toute la solennité convenable ? — Par Notre-Dame d’Einsiedlen ! je vous remercie de l’idée, dit Sigismond. Oui, nous ferons ce que l’Église peut pour mon oncle Albert : il est à espérer qu’il n’a point perdu d’avance son âme, en jouant avec Satan à pair ou non. Je voudrais que nous eussions un prêtre pour rester auprès de son pauvre corps ; mais n’importe, puisqu’on n’a jamais ouï parler d’un démon qui soit apparu avant déjeuner. »

Ils se rendirent au quartier du landamman à travers des tableaux et des scènes qu’Arthur, et même son père si bien accoutumé à la guerre sous toutes ses formes, ne purent voir sans frissonner ; mais le simple Sigismond, qui marchait à côté d’Arthur, amena la conversation sur un sujet si intéressant, qu’il détourna l’attention de son ami des horreurs qui les entouraient.

« Avez-vous encore affaire en Bourgogne, maintenant que votre duc a perdu la vie ? demanda-t-il. — Mon père le sait mieux que moi, mais je pense que non. La duchesse de Bourgogne qui doit maintenant succéder à une partie de l’autorité de feu son époux dans ses domaines, est sœur de cet Édouard d’York, et mortelle ennemie de la maison de Lancastre et de ceux qui lui sont demeu-