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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/213

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veritas, et prœvalebit[1]. D’ailleurs, l’ermite d’Engaddi, dont il est rare que les paroles tombent à terre sans porter de fruits, est intimement pénétré de la croyance que la conversion des Sarrasins et des autres païens est proche, et que ce mariage peut contribuer à la déterminer. Il lit dans le cours des astres ; il vit dans les macérations de la chair, et habite ces lieux sacrés que les saints fondèrent autrefois. L’esprit d’Élie, le fondateur de son bienheureux ordre, a été avec lui comme avec le prophète Élisée, fils de Shaphat, lorsqu’il étendit son manteau sur lui. »

Richard écoutait les raisonnements du prélat avec un front abattu et un regard inquiet. « Je ne sais, dit-il, ce qui se passe en moi, mais on dirait que les conseils flegmatiques de ces princes de la chrétienté m’ont infecté de leur esprit de léthargie. Il fut un temps où si un laïque eût osé me proposer une telle alliance, je l’aurais étendu à terre, et si c’eut été un prêtre, je lui aurais craché au visage comme à un renégat, à un prêtre de Baal. Et cependant aujourd’hui le Conseil ne sonne pas si étrangement à mes oreilles ; car pourquoi refuserais-je de former une alliance fraternelle avec un Sarrasin, brave, juste, généreux, qui aime et honore un noble ennemi comme un ami même, tandis que les princes de la chrétienté abandonnent leurs alliés, et désertent la cause du ciel et de la chevalerie ? Mais je veux me posséder et ne dois pas songer à eux. Je ne ferai plus qu’un effort pour empêcher la désunion de cette pieuse ligue ; si j’échoue, lord archevêque, nous reparlerons du conseil que vous venez de me donner, et que pour le moment je n’accepte ni ne rejette. Allons donc au conseil, milord ; l’heure nous y appelle. Vous dites que Richard est fier et impétueux, vous allez le voir s’humilier comme l’humble plante d’où dérive son nom. »

À l’aide des domestiques de la chambre, le roi se hâta de s’habiller. Il se revêtit d’un justaucorps et d’un manteau de même couleur sombre, et sans aucune autre marque de dignité royale qu’un cercle d’or sur la tête, accompagné de l’archevêque de Tyr, il s’empressa de se rendre au conseil, qui n’attendait que son arrivée pour ouvrir la séance.

Le pavillon du conseil était une vaste tente, devant laquelle se déployait une grande bannière de la croix, et une autre représentant une femme agenouillée, les cheveux épars et les vêtements en désordre, pour personnifier l’Église persécutée et affligée de Jéru-

  1. La vérité est grande, elle prévaudra. a. m.