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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 22, 1838.djvu/34

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siers se laissèrent donc paisiblement enlever à leur pâture et à leur liberté, et se mirent à hennir pour témoigner leur affection à leurs maîtres, tandis que ceux-ci les équipaient pour les conduire à de nouvelles fatigues. Tout en accomplissant cette tâche dans laquelle ils s’aidaient mutuellement, chacun des deux guerriers regardait d’un œil observateur l’équipement de son compagnon de voyage, et faisait ses remarques sur ce qui le frappait le plus dans le harnais étranger.

Avant de remonter à cheval pour continuer sa marche, le chevalier chrétien se désaltéra encore et trempa ses mains dans cette source d’eau courante ; puis il dit à son compagnon : « Je voudrais savoir le nom de cette délicieuse fontaine, afin d’en conserver un reconnaissant souvenir, car jamais eau n’étancha plus voluptueusement la soif la plus accablante.

— Son nom, en langue arabe, répondit le Sarrasin, signifie le Diamant du Désert.

— Elle mérite ce nom, dit le chrétien. Mes vallées natales renferment des milliers de sources, mais aucune ne me rappellera jamais un aussi précieux souvenir que cette fontaine solitaire qui dispense ses trésors liquides là où ils nous semblent non seulement délicieux, mais en quelque sorte même indispensables.

— Vous dites la vérité, répondit le Sarrasin, car la malédiction de Dieu est encore sur ce lac de mort : nul homme, nul animal ne boit de ses ondes : et cette rivière qui alimente le lac sans jamais le remplir, on n’ose même goûter de ses eaux, si ce n’est quand elle coule loin de ce désert inhospitalier. »

Ils remontèrent à cheval, et poursuivirent leur voyage à travers ces déserts sablonneux. L’ardeur du midi était passée, et il s’était élevé une brise légère qui calmait un peu cette température enflammée, quoiqu’elle soulevât des nuages d’une poussière impalpable. Le Sarrasin y faisait peu d’attention ; mais son compagnon à la pesante armure s’y trouvait tellement incommodé qu’il pendit son casque de fer à l’arçon de sa selle, et y substitua le léger bonnet de voyage, appelé, dans le langage du temps, mortier, d’après sa ressemblance avec un mortier ordinaire. Ils continuèrent leur route quelque temps en silence, le Sarrasin remplissant les fonctions de guide et observant, avec l’attention la plus minutieuse, l’aspect et la forme des rochers lointains, de la chaîne desquels ils se rapprochaient graduellement. Pendant un court espace de temps il parut aussi absorbé par cette occupation qu’un pilote dirigeant