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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/110

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porté autant pour la finesse que tu as montrée ce soir que pour ton courage, qui égale, ou plutôt qui surpasse le courage de tes compagnons. — Je suis obligé à Votre Valeur et la remercie, » répliqua le Varangien plus froidement peut-être que son officier ne s’y attendait ; « je suis prêt, comme il est de mon devoir, à vous servir en tout ce qui s’accordera avec ce que Dieu et l’empereur attendent de mes services. Je dirai seulement qu’en qualité de soldat, ayant prêté serment, je ne ferai rien de contraire aux lois de l’empire, et que, comme chrétien sincère, quoique ignorant, je ne veux nullement avoir affaire avec les dieux des païens, si ce n’est pour les défier au nom et avec la protection des saints. — Imbécile ! penses-tu que moi, qui possède déjà une des premières dignités de l’empire, je puisse méditer rien de contraire à Alexis Comnène, ou, ce qui serait à peine plus criminel, que moi, l’ami de cœur et l’allié du révérend patriarche Zozime, je voulusse me mêler avec rien qui eût un rapport, même éloigné, avec l’hérésie ou l’idolâtrie ? — Certainement personne n’en serait plus surpris ou peiné que moi ; mais lorsque nous entrons dans un labyrinthe, nous devons déclarer que nous avons un but invariable et déterminé ; c’est toujours un moyen de marcher droit. Les gens de ce pays ont tant de manières de dire la même chose, qu’on a peine à savoir au bout du compte quelle est leur intention réelle. Nous Anglais, au contraire, nous ne pouvons exprimer notre pensée que par un seul assemblage de mots ; mais il est tel que tout l’esprit du monde ne pourrait en tirer un double sens. — Cela suffit. Demain nous en dirons davantage ; à cette fin tu te rendras à mon quartier après le coucher du soleil. Écoute encore ; la journée de demain, tant que le soleil brillera dans les cieux, t’appartiendra pour t’amuser ou te reposer. Emploie ton temps de cette dernière manière si tu m’en crois, car la soirée, comme celle d’aujourd’hui, pourrait nous voir tard sur pied. »

En parlant ainsi ils entrèrent dans la caserne, où ils se séparèrent… Achille Tatius se dirigea vers les appartements splendides qui lui étaient assignés en qualité de commandant des Varangiens, et l’Anglo-Saxon regagna le modeste logement qu’il ocuppait comme officier subalterne du même corps.