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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/112

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premières places de l’État, jouissaient du privilège de pénétrer dans cette retraite sacrée lorsque l’empereur tenait conseil. C’étaient le Grand Domestique, que l’on pourrait comparer à un premier ministre de nos jours ; le Logothète, ou chancelier ; le Protospathaire, ou général en chef dont nous avons déjà parlé ; l’Acolouthos, chef des Varangiens, et le Patriarche.

Les portes de cet appartement retiré et l’antichambre adjacente étaient gardées par six esclaves nubiens difformes, dont les figures ridées et flétries formaient un hideux contraste avec leurs vêtements blancs comme la neige, et leur costume splendide. Ils étaient muets comme les misérables agents du despotisme de l’Orient, afin qu’ils fussent dans l’impossibilité de divulguer les actes de tyrannie dont ils étaient les instruments passifs. On les regardait généralement plutôt avec horreur qu’avec compassion ; car tout le monde pensait que ces esclaves éprouvaient un malin plaisir à venger sur les autres les irréparables outrages qui les avaient séparés de l’humanité.

C’était la coutume alors (quoique, de même que plusieurs autres usages des Grecs, elle serait jugée puérile de nos jours) que, par un effet de mécanique dont on se rend aisément compte, les lions, à l’entrée d’un étranger, se levaient et rugissaient, le vent sifflait dans le feuillage de l’arbre ; les oiseaux sautaient de branche en branche, béquetaient les fruits et remplissaient l’appartement du bruit de leurs chants. Cet appareil avait presque alarmé plus d’un ambassadeur ; et il était d’usage que les conseillers grecs témoignassent les mêmes sensations de crainte et de surprise lorsqu’ils entendaient le rugissement des lions et le concert des oiseaux, quoique ce fût, peut-être, pour la cinquantième fois… En cette occasion, en raison de l’urgence des affaires qui réunissaient le conseil, ces cérémonies furent entièrement omises.

Le discours de l’empereur, dans sa première partie, sembla vouloir suppléer au rugissement des lions, et il se termina sur un ton qui ressemblait assez bien au gazouillement des oiseaux.

Dès ses premières phrases, il parla de l’audace et de l’insolence inouïe des millions de Francs, qui, sous le prétexte d’arracher la Palestine aux mains des infidèles, avaient osé envahir le territoire sacré de l’empire. Il les menaça de châtiments, que ses troupes innombrables et ses officiers leur infligeraient fort aisément, prétendit-il. Les auditeurs, et particulièrement les militaires, répondirent à tout cela par un assentiment complet.