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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/115

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sans inconvénient. Leurs guides aussi, que vous choisirez en conséquence, auront soin de conduire les croisés par des routes détournées et difficiles : ce qui sera leur rendre un service réel, en les accoutumant aux fatigues du pays et aux rigueurs du climat, qu’ils seraient autrement obligés de supporter sans y être préparés.

« En attendant, dans vos entrevues avec leurs chefs, qu’ils appellent comtes, et dont chacun se croit aussi grand qu’un empereur, vous aurez soin de ne point offenser leur présomption naturelle, et de ne manquer aucune occasion de les informer de la richesse et de la magnificence de notre gouvernement. On pourra même donner des sommes d’argent à des personnages importants, et faire des largesses moins considérables à ceux d’un rang inférieur. Vous, notre logothète, vous prendrez des mesures en conséquence ; et vous, notre grand domestique, vous aurez soin que les soldats qui couperont les partis détachés de Francs se présentent dans le costume sauvage et sous l’apparence d’infidèles. En vous recommandant ces précautions, j’ai l’intention de faire que les croisés ayant senti le prix de notre amitié, et, en quelque sorte le danger de notre inimitié, ceux que nous transporterons en Asie soient réduits, quelque peu maniables qu’ils soient, à un corps plus petit et plus compacte, dont nous puissions faire ce que nous voudrons dans notre prudence chrétienne. Ainsi, en employant de belles paroles avec l’un, des menaces avec l’autre ; en offrant de l’or aux avares, du pouvoir aux ambitieux, et des raisons à ceux qui sont en état de les entendre, nous ne doutons point que nous n’amenions ces Francs, rassemblés de mille points divers, à nous reconnaître comme leur supérieur commun. Ils n’iront point choisir un chef parmi eux, lorsqu’ils viendront à connaître ce fait important que chaque village de la Palestine, depuis Dan jusqu’à Beersheba, est par droit d’origine la propriété du saint empire romain et que tout chrétien qui veut recouvrer ce pays doit faire la guerre comme notre sujet, et tenir en fief, comme notre vassal, toute conquête qu’il pourrait faire. Le vice et la vertu, le bon sens et la folie, l’ambition et la religion désintéressée, recommanderont également à ceux de ces hommes singuliers qui survivront, de devenir les feudataires de l’empire, non ses ennemis, et le bouclier, non les assaillants de votre paternel empereur. »

Il se fit une inclination de tête générale parmi les courtisans, accompagnée de l’exclamation : « Longue vie à l’empereur ! »