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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/136

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pour les généraux, que les riches productions de l’Orient étaient tentantes pour leurs soldats.

Les nobles français auraient peut-être été les plus difficiles à contenir lors de ces altercations ; mais un accident, que l’empereur aurait pu appeler une faveur de la Providence, réduisit le fier comte de Vermandois au rôle de suppliant, lorsqu’il s’attendait à n’avoir que des ordres à donner. Une tempête furieuse assaillit sa flotte, comme il quittait les rivages de l’Italie, et ses vaisseaux furent jetés sur les côtes de la Grèce. Il en perdit même plusieurs ; et ceux de ses soldats qui parvinrent à gagner la terre étaient dans un tel état de détresse qu’ils furent obligés de se rendre aux lieutenants d’Alexis. Le comte de Vermandois, si hautain lorsqu’il s’embarquait pour la croisade, fut envoyé à la cour de Constantinople, non comme prince, mais comme prisonnier. Toutefois l’empereur le mit aussitôt en liberté, ainsi que ses soldats, et les combla tous de présents.

Aussi, reconnaissant des attentions qu’Alexis ne cessait de lui prodiguer, le comte Hugues se trouvait, par gratitude et par intérêt, de l’opinion de ceux qui, par d’autres motifs, désiraient le maintien de la paix entre les croisés et les Grecs. Un principe plus honorable détermina le célèbre Godefroy, Raymond de Toulouse, et plusieurs autres chez qui la dévotion était quelque chose de plus qu’un simple élan de fanatisme. Ces princes considérèrent le scandale qui rejaillirait sur toute leur expédition, si le premier de leurs exploits était une guerre contre l’empire grec, qu’on pouvait appeler à juste titre la barrière de la chrétienté. S’il était faible et riche, si en même temps il invitait à la rapine et était incapable de s’en garantir, il était d’autant plus de leur intérêt et de leur devoir, comme soldats chrétiens, de protéger un état chrétien, dont l’existence était de si grande importance pour la cause commune, lors même qu’il ne pourrait se défendre lui-même. Ces hommes loyaux désiraient donc recevoir les protestations d’amitié de l’empereur avec des preuves assez sincères de dévouement, et lui rendre sa bienveillance assez largement pour le convaincre que leurs intentions à son égard étaient sous tous les rapports justes et honorables, et qu’il avait intérêt à s’abstenir de tout traitement injurieux qui pourrait les disposer ou les contraindre à changer de conduite envers lui.

Ce fut dans cet esprit d’accommodement à l’égard d’Alexis, qui, par une infinité de raisons différentes, avait jusqu’alors animé la plupart des croisés, que les chefs consentirent à une mesure qu’ils