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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/165

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Comnène est ami des pèlerins d’Europe, c’est uniquement lorsqu’ils sont devant lui ; et nous sommes, nous, des soldats trop dociles pour servir l’empereur autrement qu’il ne désire être servi. — Silence, Toxartis ! s’écria le philosophe, tu calomnies ton empereur. — Silence, toi-même ! répliqua Toxartis, ou sinon je ferai ce qu’il ne convient pas à un soldat de faire, et je débarrasserai le monde d’un vieux radoteur. »

À ces mots, il avança la main pour relever le voile de la comtesse. Avec la promptitude que l’usage fréquent des armes avait donné à cette femme guerrière, elle s’arracha au bras du barbare, et lui appliqua un tel coup de son sabre bien affilé, que Toxartis tomba mort sur la place. Le comte s’élança sur le coursier du chef qui venait de tomber, et poussant son cri de guerre : « Fils de Charlemagne, à la rescousse ! » il se précipita au milieu des cavaliers païens avec une hache d’armes qu’il trouva attachée au pommeau de la selle ; et la maniant avec une dextérité effroyable, il eut bientôt tué, blessé, ou mis en fuite les objets de sa colère ; aucun d’eux ne resta un instant pour soutenir la bravade qu’ils avaient faite.

« Les méprisables manants ! » dit la comtesse à Agelastès ; « je suis peinée qu’une seule goutte d’un sang si lâche souille les mains d’un noble chevalier. Ils appellent leur exercice un tournoi, bien que dans toutes leurs évolutions ils ne portent de coups que par derrière, et qu’aucun d’eux n’ait le courage de lancer son roseau quand il aperçoit celui d’un autre dirigé contre lui. — Telle est leur coutume quand ils s’exercent devant Sa Majesté impériale, répliqua Agelastès ; et ce n’est peut-être pas tant par lâcheté que par habitude. J’ai vu ce Toxartis tourner littéralement le dos au but, tendre son arc en s’enfuyant au galop, et lorsqu’il s’en était éloigné le plus possible, le percer en plein milieu avec une large flèche. — Une armée de pareils soldats, » dit le comte Robert qui avait alors rejoint ses amis, « ne serait pas très formidable, ce me semble. Il n’y avait pas une once de vrai courage dans tous ces assaillants. — Néanmoins, dit Agelastès, avançons vers mon kiosque, de peur que les fuyards ne trouvent des amis qui leur inspirent des pensées de vengeance. — Des amis ! répéta le comte Robert, il me semble que ces insolents païens ne devraient en trouver dans aucun pays qui se dit chrétien ; et si je survis à la conquête du saint sépulcre, mon premier soin sera de m’enquérir de quel droit l’empereur garde à son service une bande de païens et de coupe-gorges impertinents,