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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/17

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cleugh, pour avoir fait circuler des bruits au détriment soit de mes talents littéraires, soit de mon mérite comme maître d’école, et transféré ma réputation à mon sous-maître. Secondement, contre mon épouse, Dorothée Cleishbotham, pour avoir transmis lesdits bruits calomnieux à mes oreilles d’une manière brusque et inconvenante, et sans avoir aucun égard soit au langage dont elle se servait, soit à la personne à qui elle s’adressait… traitant des affaires dans lesquelles j’étais si intimement intéressé, comme si elles eussent été des sujets convenables de plaisanterie parmi des commères réunies à une cérémonie de baptême, où l’espèce féminine réclame le privilège d’honorer la Bona Dea d’après les rites secrets. Troisièmement, il devint évident pour moi que j’étais autorisé à répondre à qui de droit que mon courroux s’était allumé contre Paul Pattison, mon sous-maître, pour avoir donné occasion d’un côté aux voisins de Gandercleugh d’entretenir de semblables opinions, et de l’autre à mistress Cleishbotham de me les répéter, sans respect, en face, puisque ni l’une ni l’autre de ces circonstances n’eût pu avoir lieu, s’il n’eût criminellement présenté sous un faux jour des transactions privées et confidentielles, dont je m’étais moi-même entièrement abstenu de laisser échapper le moindre mot qui pût les faire soupçonner.

Ce classement de mes idées ayant apaisé la tourmente qui les avait suscitées, donna à la raison le temps de prévaloir, et de me demander de sa voix calme, mais claire, si, d’après toutes ces circonstances, j’étais bien fondé à nourrir une indignation générale. Enfin, après un examen plus attentif, les diverses idées atrabilaires auxquelles je m’étais livré à l’égard des autres parties vinrent se confondre dans le ressentiment que j’éprouvais contre mon perfide sous-maître ; et, comme le serpent de Moïse qui absorba tous les sujets subalternes de mécontentement, me mettre en guerre ouverte avec la masse de mes voisins, à moins que je n’eusse été certain de quelque mode efficace de me venger d’eux, eût été une entreprise trop lourde pour mes épaules, et qui eût fort bien pu, si je m’y étais imprudemment embarqué, se terminer par ma ruine. En venir à un éclat contre ma femme, en raison de son opinion sur mes talents littéraires, eût paru ridicule, et, en outre, mistress Cleishbotham était sûre d’avoir pour elle toutes les femmes, qui l’eussent dite persécutée par son mari pour lui avoir donné de bons avis, et n’ayant d’autre tort que d’y avoir insisté avec une sincérité un peu trop exaltée.