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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/174

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de la belle Irène et de sa fille. La dignité et la splendeur de la plus âgée des princesses, la gràce et la vivacité de la plus jeune, disparaissaient également aux yeux de Brenhilda, avide qu’elle était de faire des questions sur l’histoire de l’éléphant et sur l’usage qu’il faisait de sa trompe, de ses défenses et de ses larges oreilles.

Une autre personne saisissait plus à la dérobée l’occasion de regarder Brenhilda avec un grand degré d’intérêt, c’était le césar Nicéphore. Ce prince tenait les yeux aussi constamment fixés sur la comtesse française, qu’il le pouvait faire sans attirer l’attention et peut-être sans exciter les soupçons de sa femme et de sa belle-mère. Il chercha donc à rompre le silence qui aurait rendu cette entrevue fort embarrassante. « Il est possible, belle comtesse, dit-il, comme c’est la première fois que vous voyez la reine du monde, que vous n’ayez encore jamais vu l’animal singulier et curieux qui s’appelle éléphant. — Pardonnez-moi, dit la comtesse, ce savant vieillard a eu la complaisance de me montrer une figure de cette étonnante créature, et de me donner quelques détails à son sujet. » Tous ceux qui entendirent cette réponse supposèrent que Brenhilda décochait un trait de satire contre le philosophe lui-même, à qui l’on donnait ordinairement à la cour impériale le surnom d’éléphant.

« Personne ne pouvait décrire cet animal plus exactement qu’Agelastès, » dit la princesse avec un sourire d’intelligence qui gagna tous les assistans.

« Il connaît sa docilité, sa sensibilité et sa fidélité, » dit le philosophe d’un air soumis.

« Eh oui, bon Agelastès, dit la princesse ; nous ne devons pas critiquer l’animal qui s’agenouille pour nous prendre sur son dos… Venez, belle étrangère, » continua-t-elle en se tournant vers le noble couple, « et vous, son vaillant époux !… venez ; et, de retour dans votre pays natal, vous pourrez dire que vous avez vu la famille impériale prendre son repas, et reconnaître que, sous ce rapport, ils sont de la même argile que les autres mortels, éprouvant leurs plus humbles besoins et les satisfaisant de la même manière. — C’est ce que je n’hésite pas à croire, gentille dame, répondit le comte Robert ; mais je serais encore plus curieux de voir manger cet étrange animal. — Vous verrez l’éléphant plus à l’aise pendant son repos, dans l’intérieur de l’appartement, » répliqua la princesse, regardant Agelastès.

« Madame, dit Brenhilda, c’est avec peine que je refuse une in-