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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/182

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toire d’Héro et de Léandre, pour faire oublier à cette amazone vindicative l’affront qu’elle avait reçu.

Pendant ce temps, le comte Robert de Paris était accaparé, comme on peut le dire, par la belle Anne Comnène. Elle parlait sur tous les sujets, bien sur les uns sans aucun doute, et mal sur les autres ; mais il n’en était aucun qu’elle ne se crût pas entièrement propre à traiter ; tandis que le bon comte désirait en lui-même de tout son cœur que sa partenaire fût endormie tranquillement auprès de la princesse enchantée de Zulichium. Elle joua à tort et à travers le rôle de panégyriste des Normands, jusqu’à ce qu’enfin le comte, fatigué de l’entendre babiller sur des choses qu’elle ne connaissait point, l’interrompit en ces mots :

« Madame, quoique moi et ceux que je commande nous soyons ainsi nommés quelquefois, cependant nous ne sommes pas les Normands qui dans l’armée des croisés forment un corps indépendant nombreux sous les ordres de leur duc Robert, homme vaillant, quoique extravagant, étourdi et faible. Je ne dis rien contre la réputation de ces Normands. Ils ont acquis, du temps de nos pères, un royaume beaucoup plus étendu que le leur, et que l’on appelle Angleterre. Je vois que vous entretenez à votre solde quelques uns des naturels de ce pays sous le nom de Varangiens. Quoique vaincus, comme je l’ai dit, par les Normands, c’est néanmoins une race d’hommes braves ; et nous ne nous croirions pas déshonorés de nous rencontrer sur le champ de bataille avec eux. Quant à nous, nous sommes les Francs valeureux qui habitons les rives orientales du Rhin et de la Saale, convertis au christianisme par le célèbre Clovis, et qui sommes en état, par notre nombre et notre courage, de reconquérir la terre sainte, quand même le reste de l’Europe demeurerait neutre dans la lutte. »

Il y a peu de choses plus pénibles pour la vanité d’une personne comme la princesse que de se voir convaincue d’une erreur considérable, au moment où elle veut se donner pour être parfaitement informée.

« Un esclave imposteur, qui ne savait pas ce qu’il disait, je suppose, répliqua la princesse, m’a faussement fait accroire que les Varangiens étaient les ennemis naturels des Normands… Je le vois marcher là-bas, à côté de l’Acolouthos Achille Tatius… Faites-le venir ici, officiers… je veux dire cet homme de haute taille, qui est là-bas avec une hache d’armes sur son épaule. »

Hereward, reconnaissable par la place qu’il occupait à la tête de