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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/200

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que chose : car les plats, précieux d’ailleurs par leur matière et par leur contenu, étaient supportés par des espèces de pieds de manière à se trouver à la hauteur des femmes qui étaient assises, et à la portée des hommes qui prenaient leur repas couchés sur des lits.

Autour de la table se tenaient une foule d’esclaves noirs richement vêtus, tandis que le grand écuyer tranchant, Michel Cantacuzène, plaçait les étrangers avec sa baguette d’or, et leur transmettait par signes l’ordre de se tenir debout jusqu’à ce qu’un certain signal fût donné.

Le haut bout de la table, servi et entouré de cette manière, était fermé par un rideau de mousseline brodée d’argent, qui tombait du haut du cintre sous lequel la partie supérieure de la table semblait passer. Le grand écuyer observait le rideau d’un œil attentif ; et lorsqu’il le vit s’agiter légèrement, il éleva sa baguette et tout le monde attendit ce qui allait arriver.

Comme s’il se fût mu de lui-même, le rideau mystérieux s’éleva et découvrit un trône de sept marches plus élevé que la table, décoré avec la plus grande magnificence, et devant lequel était placée une petite table d’ivoire incrustée d’argent. Sur le trône était assis Alexis Comnène, dans un costume entièrement différent de celui qu’il avait porté durant le jour, et qui surpassait tellement en magnificence ses premiers vêtements, qu’il ne paraissait pas extraordinaire que ses sujets se prosternassent devant un personnage si splendide. Sa femme, sa fille et son gendre le césar se tenaient derrière lui, la face penchée vers la terre ; et ce fut de l’air de l’humilité la plus profonde que, descendant de l’estrade sur l’ordre de l’empereur, ils se mêlèrent aux convives de la table inférieure, et attendirent pour se placer, malgré leur rang élevé, le signal du grand écuyer tranchant. De sorte qu’on ne pouvait dire qu’ils prissent part au repas de l’empereur, ni qu’ils fussent placés à la table impériale, quoiqu’ils soupassent en sa présence et fussent invités souvent par lui à faire honneur au banquet. Aucun plat présenté à la table commune n’était offert devant le trône ; mais les vins et les mets qui paraissaient devant l’empereur comme par magie, et semblaient destinés à son usage particulier, étaient à chaque instant envoyés, d’après des instructions spéciales, à l’un ou à l’autre des convives qu’Alexis prenait plaisir à honorer ; et parmi ceux-là les Francs étaient spécialement distingués.

La conduite de Bohémond fut en cette occasion particulièrement remarquable.