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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/207

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pas de cette circonstance, mon compagnon de captivité, mais attends le résultat en silence. »

Soudain une lumière obscure, rouge et enfumée, brilla dans l’appartement : le chevalier avait songé à un briquet qu’il portait d’ordinaire sur lui, et avec aussi peu de bruit que possible, il avait allumé la torche qui se trouvait à côté de son lit ; il l’approcha aussitôt des rideaux, qui, étant de mousseline, furent en un instant en flammes. Le chevalier sauta au même instant en bas de sa couche. Le tigre, car c’en était un, épouvanté par les flammes, fit un bond en arrière aussi loin que sa chaîne le lui permit, insensible à toute autre chose qu’à l’objet de sa terreur. Le comte Robert saisit un lourd escabeau de bois, la seule arme offensive qu’il trouva sous la main, et ajustant ces yeux, qui alors réfléchissaient l’éclat des flammes, et qui un moment auparavant lui avaient semblé si terribles, il lança ce fragment de chêne massif avec une vigueur qui ressemblait moins à la force humaine qu’à la violence avec laquelle un engin décharge un quartier de roc. Il avait si bien pris son temps et visé si juste, que l’arme atteignit son but avec une force incroyable. Le crâne du tigre (ce serait peut-être exagérer que de le dépeindre comme de la plus grande taille) en fut fracturé ; et à l’aide de son poignard, qu’on lui avait heureusement laissé, le comte français expédia le monstre, et eut la satisfaction de lui voir rendre la vie dans un dernier grincement de dents, et rouler dans l’agonie de la mort ses yeux effroyables.

Regardant autour de lui, il découvrit à la lueur du feu qu’il avait allumé que l’appartement où il se trouvait alors était différent de celui dans lequel il s’était mis au lit le soir précédent ; la différence qui existait entre ces deux appartements était parfaitement caractérisée par le contraste que formaient les rideaux de fine mousseline, qui brûlaient encore, avec les murailles de cachot qui entouraient le comte et la grossière escabelle dont il avait fait un si bon usage.

Le chevalier n’avait pas le loisir de tirer des conclusions ; il éteignit en hâte le feu, qui n’avait dans le fait rien à endommager, et se mit, à l’aide du flambeau, à parcourir l’appartement pour en chercher l’entrée. Il n’est guère nécessaire de dire qu’il n’aperçut point la porte de communication avec la chambre de Brenhilda : ce qui le convainquit qu’on les avait séparés la veille sous prétexte de scrupules religieux, afin d’accomplir un infâme projet de trahison sur l’un d’eux ou sur tous les deux à la fois. La partie de ses aven-