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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/249

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trouvé moyen d’exciter en ma faveur, du moins en apparence, l’intérêt de ce Varangien ; cependant tout cela ne peut me faire espérer que je pourrais résister long-temps à dix ou douze drôles, tels que ces mangeurs de bœuf, amenés contre moi par un gaillard dont les nerfs et les muscles sont aussi solides que ceux de mon ex-compagnon. Honte à toi, Robert, de telles pensées sont indignes d’un descendant de Charlemagne. Quand as-tu jamais compté si soigneusement tes ennemis ? depuis quand es-tu devenu soupçonneux ? celui qui porte un cœur incapable de tromper doit par honneur être le dernier à suspecter la bonne foi d’autrui ? La physionomie du Varangien est ouverte, son calme dans le danger est remarquable, ses paroles sont plus franches et plus libres que ne le furent jamais celles d’un traître. S’il n’est pas sincère, il ne faut pas en croire la main de la nature, car elle a écrit sur son front vérité, fidélité, courage. »

Tandis que le comte Robert réfléchissait ainsi sur sa condition et combattait les doutes et les soupçons qui naissaient de l’incertitude de sa position, il commença à sentir qu’il n’avait pas mangé depuis long-temps ; et, entre d’autres craintes d’une nature plus héroïque, il en vint à penser qu’on avait dessein de l’affaiblir par la faim avant de venir dans l’appartement lui porter le coup mortel.

Nous verrons mieux jusqu’à quel point ces soupçons étaient mérités par Hereward, ou plutôt combien ils étaient injustes, en suivant le Varangien dans ses courses après qu’il fut sorti de son appartement. Il se hâta de dîner, affectant de manger avec un grand appétit, afin que l’ardeur qu’il mettait à satisfaire ce besoin naturel ôtât tout prétexte de lui adresser des questions désagréables, ou de l’obliger à soutenir une conversation. Immédiatement après il allégua des devoirs à remplir, quitta ses camarades, et se dirigea vers le logement d’Achille Tatius, qui faisait partie du même bâtiment. Un esclave syrien vint ouvrir la porte et salua profondément le favori de l’Acolouthos : Hereward apprit ensuite qu’Achille Tatius n’était point chez lui, mais qu’il avait donné ordre de dire à Hereward que si celui-ci désirait le voir il le trouverait dans les jardins d’Agelastès.

Hereward s’y rendit sur-le-champ, et comme il connaissait parfaitement toutes les rues de Constantinople, il lui fut facile de prendre la route la plus courte : il se trouva donc bientôt seul devant la même porte, par où lui et le comte de Paris étaient déjà