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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/272

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mières qui le dirigeaient dans son chemin ? A-t-il pu se conduire ainsi à l’égard de mon père, dont il a écouté les exploits heure par heure, protestant ne pas savoir si c’était la beauté du style ou l’héroïsme des actions qui l’enchantait davantage ! Pensant les mêmes pensées, voyant avec les mêmes yeux, aimant avec le même cœur… ô mon père ! il est impossible qu’il soit si faux. Songez au temple des Muses qui est si près ! — Si j’y songeais, se dit Alexis au fond du cœur, je songerais à la seule excuse qui puisse être alléguée en faveur du traître. Un peu de miel, c’est bien ; mais le gâteau tout entier accable de dégoût. » Puis il reprit tout haut : « Ma fille, consolez-vous ; il nous répugnait à nous-même de croire à cette honteuse vérité ; mais nos gardes ont été débauchés ; leur commandant, cet ingrat Achille Tatius, ainsi qu’Agelastès, non moins traître, se sont laissés séduire au point de consentir à favoriser notre emprisonnement ou notre assassinat. Hélas ! pauvre empire ! c’est au moment où il a le plus besoin de la tendresse d’un père, qu’il en eût été privé par un coup soudain et impitoyable ! »

Ici l’empereur pleura ; mais fut-ce de la perte qu’auraient pu faire ses sujets ou de celle de sa propre vie ?… Il serait difficile de le dire.

« Il me semble, dit Irène, que Votre Altesse impériale est bien lente à prendre des mesures contre le danger. — Avec votre gracieuse permission, ma mère, répliqua la princesse. Je dirais plutôt que l’empereur a été bien prompt à y croire. Il me semble que le témoignage d’un Varangien, en accordant qu’il est le plus brave de tous les soldats, n’est qu’une preuve bien chétive contre l’honneur de votre gendre… contre la bravoure et la fidélité à toute épreuve du capitaine de vos gardes… contre le bon sens, la vertu et la profonde sagesse du plus grand de vos philosophes… — Et contre l’amour-propre d’une fille trop savante, interrompit l’empereur, qui ne veut pas permettre à son père de juger en ce qui le concerne. Je vous le dis, Anne, je les connais tous, et je sais quelle foi je puis mettre en eux. L’honneur de votre Nicéphore… la valeur et la bravoure de l’Acolouthos… la vertu et la sagesse d’Agelastès ! n’ai-je pas eu tout cela dans ma bourse ? et si ma bourse avait continué à être bien remplie, si mon bras était encore aussi vigoureux que naguère, nul d’entre eux ne serait changé. Mais les papillons s’envolent quand le temps devient froid, et il faut que je brave la tempête sans leur secours. Vous parlez de manque de preuves ? j’ai des preuves suffisantes quand je vois le danger ; cet