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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/284

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ment. Si j’eusse ordonné à ces trompettes de sonner sans son autorisation, leur son eût fait tomber ma tête de dessus mes épaules. — J’ai failli vous rencontrer au palais, » dit Hereward, tandis que son cœur battait presque aussi fort que s’il eût réellement fait cette rencontre dangereuse.

« En effet, j’ai ouï dire que tu étais allé prendre les ordres de celui qui remplit encore le rôle de souverain. Assurément, si je t’y avais aperçu avec cet air ferme, ouvert, et en apparence honnête, trompant le Grec rusé à force de franchise, je n’aurais pu m’empêcher de rire du contraste de ta figure avec les pensées de ton cœur. — Dieu seul connaît nos plus secrètes pensées ; mais je le prends à témoin que je serai fidèle à mes promesses et que je remplirai la tâche dont je suis chargé. — Bravo ! mon honnête Anglo-Saxon. Appelle, s’il te plait, mes esclaves pour me désarmer ; et quand tu quitteras toi-même ces armes de simple garde du corps, dis-leur qu’elles n’ont plus que deux fois à couvrir les membres d’un homme à qui le destin réserve des vêtements plus convenables. »

Hereward n’osa s’en remettre à sa voix dans un moment si critique. Il s’inclina profondément, et se retira vers la partie des casernes où il logeait.

Dès qu’il entra dans son appartement, il fut salué par la voix joyeuse du comte Robert que n’arrêtait point la crainte d’être entendu, quoique la prudence aurait dû lui en montrer la nécessité.

« L’as-tu entendue, mon cher Hereward, s’écria-t-il, as-tu entendu la proclamation par laquelle ce daim fanfaron me défie au combat avec des lances émoulues, et à trois passes d’armes avec des épées bien aiguisées ! Il est assez étrange qu’il ne trouve pas plus sûr de combattre ma femme ! peut-être pense-t-il que les croisés ne lui eussent pas permis de se battre contre elle. Mais par Notre-Dame des Lances rompues ! il ne sait pas que les hommes d’Occident sont aussi jaloux de la réputation guerrière de leurs épouses que de la leur propre. J’ai réfléchi toute la soirée à l’armure que je devais prendre, au moyen de me procurer un coursier, ou si je ne lui ferai pas assez d’honneur en ne prenant que Tranchefer pour toute arme, contre son armure complète, offensive et défensive. — J’aurai cependant soin, dit Hereward, que vous soyez mieux pourvu en cas de besoin. Vous ne connaissez pas les Grecs. »