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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/286

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quitté Bertha la veille au soir, accompagné de l’honnête soldat aux soins duquel il voulait la confier. En peu d’instants il les vit à bord d’une barque amarrée dans le port, dont le maître consentit aisément à leur faire passer le détroit, après avoir examiné leur permission de se rendre à Scutari, permission donnée au nom de l’Acolouthos, comme s’ils étaient autorisés par ce conspirateur, et contenant un signalement qui pouvait convenir au vieil Osmond et à sa jeune compagne.

La matinée était belle, et bientôt la ville de Scutari se présenta aux regards des voyageurs, brillante comme aujourd’hui d’une variété d’architecture qui, bien qu’on puisse la trouver bizarre, mérite incontestablement l’admiration. Ses édifices s’élevaient hardiment du milieu d’un bois touffu de cyprès et d’autres grands arbres, d’autant plus gigantesques, qu’ils étaient respectés comme ornements des cimetières et comme gardiens des morts.

À l’époque dont nous parlons, une circonstance extraordinaire rendait doublement intéressante une scène qui l’aurait beaucoup été d’ailleurs en tout temps. Une grande partie de cette armée formée de soldats qui, de tant de pays divers, venaient reconquérir les saints lieux de la Palestine et le saint sépulcre lui-même sur les infidèles, s’était campée à un mille environ de Scutari. Les croisés n’avaient pas de tentes pour la plupart, mais l’armée, à l’exception des pavillons de quelques chefs d’un haut rang, s’était construit des huttes temporaires, agréablement décorées de feuillage et de fleurs, tandis que les grands étendards et les larges bannières qui flottaient au dessus avec diverses armoiries montraient que l’élite de l’Europe était réunie en ce lieu. Un murmure bruyant, ressemblant à celui d’une ruche trop pleine, s’échappait du camp des croisés, et retentissait jusqu’à la ville de Scutari ; de temps à autre ce bruit sourd était rompu par quelques sons plus aigus, tels que le son des instruments de musique, ou les cris encore plus élevés, exprimant la crainte ou la gaîté des enfants et des femmes.

Nos voyageurs arrivèrent enfin à bon port ; et comme ils approchaient d’une des portes du camp, ils en virent sortir une brillante troupe de beaux cavaliers, de pages et d’écuyers exerçant les chevaux de leurs maîtres ou les leurs. Au bruit qu’ils faisaient en causant à haute voix, en galopant, en faisant sauter et caracoler leurs coursiers, on aurait dit qu’une discipline sévère les avait appelés à l’exercice avant que les fumées du vin qu’ils avaient bu dans la dernière nuit eussent été complètement dissipées par le