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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/289

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En profitant de la courtoisie du jeune Apulien, Bertha eut l’imprudence de se séparer du vieux Varangien ; mais le jeune homme n’avait que d’honnêtes intentions, et il la conduisit, à travers les tentes et les huttes, au pavillon du chef célèbre de la croisade.

« Il faut, dit-il, que vous attendiez quelques instans ici, sous la protection de mes camarades (car deux ou trois pages les avaient suivis par curiosité, pour voir quelle serait l’issue de cette aventure), et je vais prendre les ordres du duc de Bouillon sur cette affaire. » Il n’y avait rien à objecter, et Bertha n’eut rien de mieux à faire que d’admirer l’extérieur de la tente, dont l’empereur grec, Alexis, dans un accès de générosité et de munificence, avait fait cadeau au chef des Francs. Elle était soutenue par de grands pieux, taillés en forme de lance, et qui paraissaient être d’or. Les rideaux étaient d’une étoffe épaisse, travaillée en soie, en coton et en fil d’or. Les gardes qui se tenaient alentour, pendant le conseil, étaient de graves vieillards, pour la plupart écuyers personnels des princes qui avaient pris la croix, et à qui on pouvait, en conséquence, confier la garde de cette assemblée, sans crainte qu’ils allassent répéter ce qu’ils pourraient entendre. Leur air était sérieux et réfléchi, et ils semblaient être de ces hommes qui avaient pris la croix sainte non par un désir frivole d’aventures, mais par un motif des plus solennels et des plus graves. Un d’entre eux arrêta le jeune Italien, et lui demanda ce qui l’autorisait à entrer ainsi dans le conseil des croisés, qui avaient déjà pris leurs sièges. Le page répondit en prononçant son nom et sa qualité : « Ernest d’Otrante, page du prince Tancrède ; » et il ajouta qu’il venait annoncer l’arrivée d’une jeune femme qui avait présenté un gage de sa mission, et qui était chargée d’un message pour l’oreille secrète de Godefroi de Bouillon.

Bertha, pendant ce temps, quitta sa mante ou vêtement de dessus, et mit en ordre le reste de son costume anglo-saxon. Elle avait à peine terminé sa toilette, que le page du prince Tancrède revint pour la conduire devant le conseil de la croisade. Elle obéit à un signe d’Ernest, tandis que les autres jeunes gens, s’étonnant de la facilité avec laquelle on l’admettait, se retirèrent à une distance respectueuse de la tente, et s’y entretinrent sur la singularité de cette aventure.

Cependant l’ambassadrice elle-même entrait dans la chambre du conseil ; sa figure offrait une agréable expression de modestie et de timidité, en même temps qu’une ferme résolution d’accomplir sa