Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« vaincu, je serais tombé sous mon bouclier, comme il convient à un empereur grec, et je n’aurais pas été contraint de recourir à ces viles mesures qui m’ont fait attaquer furtivement des hommes et déguiser mes soldats en infidèles. La vie des fidèles défenseurs de l’empire qui ont succombé dans d’obscures escarmouches aurait été perdue avec plus d’honneur et pour eux et pour moi, s’ils avaient combattu ouvertement et en bataille rangée pour leur légitime empereur et pour leur pays natal. Au point où en sont venues les choses, la postérité me regardera comme un astucieux tyran, qui a engagé ses sujets dans de fatales querelles pour la sûreté de son obscure vie. Patriarche ! ces crimes doivent être imputés non à moi, mais aux rebelles dont les intrigues m’ont forcé à tenir une pareille conduite… Quel sera, mon révérend père, mon destin en l’autre monde, et sous quel jour serai-je regardé par les siècles futurs, moi l’auteur de tant de désastres ? — Quant à l’avenir, dit le patriarche, Votre Majesté s’en est référée à la sainte Église, qui a le pouvoir de lier et de délier ; vous possédez amplement les moyens de vous la rendre propice, et je vous ai déjà indiqué ce qu’elle peut raisonnablement attendre de votre repentir, afin de vous accorder le pardon. — Ces moyens seront employés, répliqua l’empereur, dans leur plus grande étendue, et je ne vous ferai pas l’injure de douter de leur effet dans l’autre monde. Mais dès cette vie même, l’opinion favorable de l’Église peut faire beaucoup pour moi durant cette crise importante. Si nous nous entendons l’un l’autre, vénérable Zozime, les docteurs et les évêques doivent tonner en ma faveur, et l’avantage que je dois retirer de son pardon ne sera pas différé jusqu’à ce que la tombe se soit refermée sur moi. — Certainement non, dit Zozime, pourvu que les conditions que j’ai déjà stipulées soient strictement exécutées. — Et ma mémoire dans l’histoire, demanda l’empereur, de quelle manière se perpétuera-t-elle ? — Quant à ce point, répondit le patriarche, Votre Majesté impériale peut s’en remettre à la piété filiale et aux talents littéraires de votre savante fille Anne Comnène. »

L’empereur secoua la tête. « Le malheureux césar, dit-il, va sans doute occasionner une querelle entre nous ; car il est difficile que je pardonne à un homme aussi ingrat, parce que ma fille lui est attachée avec une tendresse de femme. En outre, bon Zozime, ce n’est pas une histoire écrite par ma fille qui peut vraisemblablement être crue par la postérité. Un Procope, un esclave philoso-