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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/319

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Irène à la recherche d’Anne Comnène dans les appartements du palais qu’elle avait coutume d’habiter. La fille d’Alexis ne se trouvait nulle part, quoique le motif pour lequel on la cherchait fut, au dire de l’impératrice, de la nature la plus urgente. Cependant rien ne passe inaperçu dans un palais, de sorte que les messagères de l’impératrice apprirent enfin que leur maîtresse et l’empereur avaient été vus descendant le sombre escalier qui menait aux cachots, que, par allusion aux régions infernales classiques, on appelait le Puits de l’Achéron. Elles se dirigèrent donc de ce côté, et nous avons raconté les résultats de cette exploration. Hereward jugea nécessaire de dire que Son Altesse impériale s’était évanouie en se retrouvant tout-à-coup exposée au grand air. De son côté, la princesse esquiva adroitement les questions des jeunes suivantes, et déclara être prête à se rendre dans la chambre de sa mère. Le salut qu’elle fit à Hereward en le quittant avait bien quelque chose de hautain, mais il était évidemment adouci par un air d’amitié et d’estime. En traversant une pièce où se tenaient plusieurs esclaves attendant des ordres, elle donna à l’un d’eux, vieillard respectable et médecin habile, un ordre secret pour aller prêter secours à l’empereur, qu’il devait trouver au fond du Puits de l’Achéron, et l’engagea à prendre son cimeterre avec lui. Comme de coutume, entendre fut obéir, et Douban (car tel était son nom) répondit seulement par un signe significatif. Cependant Anne Comnène se hâta de gagner les appartements de sa mère, où elle trouva l’impératrice seule.

« Sortez, mesdames, dit Irène, et que personne n’entre ici, quand même l’empereur le commanderait… Anne Comnène, continua-t-elle, fermez la porte ; et si la jalousie du sexe le plus fort ne nous accorde pas le privilège des verroux et des barres de fer pour nous enfermer dans l’intérieur de nos appartements, hâtons-nous de profiter des occasions que nous pouvons trouver. Rappelez-vous, ma fille, que, si impérieux que soient vos devoirs envers votre père, ils le sont encore plus envers moi, qui suis du même sexe que vous, et qui peux vous appeler en toute vérité le sang de mon sang et les os de mes os… Soyez convaincue qu’en ce moment votre père ne connaît pas les sentiments d’une femme. Ni lui, ni homme au monde, ne peut concevoir les angoisses du cœur qui bat sous une robe de femme. Les hommes, ma fille, briseraient sans scrupule les plus tendres liens de l’affection, et détruiraient de même l’édifice du bonheur domestique où se concentre toute l’âme d’une femme,