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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/347

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rêtèrent peu ou point ; mais au bout de quelque temps, lorsqu’on put s’apercevoir que ceux qui s’étaient hâtés de se rendre dans la lice restaient là sans but ni motif, ceux qui les suivirent par le même chemin… par une curiosité bien naturelle, payèrent tribut au paysage, en donnant plus d’attention à sa beauté ; on s’arrêtait pour voir si on pouvait tirer de l’eau quelque augure pour le résultat des événements de la journée. Quelques marins oisifs furent les premiers à remarquer qu’une escadre de petits bâtiments grecs (ceux de Tancrède) était arrivée d’Asie, et menaçait de faire une descente à Constantinople. — Il est étrange, dit un individu qui avait le rang de capitaine d’une galère, que ces petits bâtiments, qui avaient ordre de revenir à Constantinople aussitôt qu’ils auraient débarqué les Latins, soient restés si long-temps à Scutari, et ne reviennent à la ville impériale que le second jour après leur départ d’ici. — Fasse le ciel, » dit un autre homme de la même profession, « que ces vaisseaux reviennent à vide. Il me semble que leurs mâts, leurs agrès, et leurs vergues sont décorés à peu près des mêmes enseignes qu’y avaient déployées les Latins, lorsque par ordre de l’empereur ils furent transportés vers la Palestine. Ne dirait-on pas que leur retour ressemble à celui d’une flotte de navires marchands qui n’ont pu décharger au lieu de leur destination ? — Il n’y a guère de profit, » ajouta un des politiques dont nous avons déjà parlé, « à faire commerce de pareilles marchandises, soit qu’on les importe, soit qu’on les exporte. Cette ample bannière qui flotte au dessus de la première galerie annonce la présence d’un chef qui occupe un haut rang parmi les comtes, à cause de sa valeur ou de sa noblesse.

Notre capitaine dit, du ton d’un homme qui veut faire comprendre qu’il a d’alarmantes nouvelles : « Ils paraissent s’être avancés dans le détroit de manière à pouvoir descendre avec la marée, et doubler le cap où nous sommes ; mais pourquoi semblent-ils vouloir aborder si près des murs de la ville ? Il faut un homme plus habile que moi pour prétendre le dire. — Assurément, répliqua son camarade, ce n’est pas dans une bonne intention. Les richesses de la ville ont leur tentation pour des gens pauvres qui n’estiment le fer qu’ils possèdent que comme leur fournissant les moyens de se procurer l’or qu’ils convoitent. — Eh ! oui, frère, reprit Démétrius le politique ; mais ne voyez-vous pas à l’ancre dans la baie de ce cap, et précisément à l’endroit où ces hérétiques doivent être poussés par la marée, six gros vaisseaux, pouvant, de dessous leurs ponts