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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/355

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die qui le dévorait lui-même, qu’il forma la secrète résolution de désavouer le malheureux amiral et de faire la paix avec les Latins en leur envoyant sa tête, si c’était absolument nécessaire. À peine avait-il vu les flammes envelopper le vaisseau, et les autres navires lever l’ancre pour battre en retraite, que la condamnation de l’infortuné Phraortes (car tel était le nom de l’amiral) fut arrêtée et signée dans son esprit.

Au même instant, Achille Tatius, déterminé à ne pas perdre l’empereur de vue dans cette crise importante, vint précipitamment au palais avec un air très alarmé.

« Mon seigneur ! mon impérial seigneur ! s’écria-t-il, je suis malheureux d’être le porteur de si tristes nouvelles ; mais les Latins sont parvenus à traverser le détroit, en venant de Scutari. L’escadre de Lemnos a cherché à les arrêter, comme on l’avait décidé la nuit dernière dans le conseil impérial de guerre. Par une forte décharge de feu grégeois, un ou deux vaisseaux des croisés sont devenus la proie des flammes ; mais le plus grand nombre ont poursuivi leur course et brùlé le navire du malheureux Phraortes ; on assure que l’amiral a lui-même péri avec la plupart de ses hommes. Les autres bâtiments ont coupé leurs câbles et abandonné la défense du passage de l’Hellespont. — Et vous, Achille Tatius, dit l’empereur, dans quelle intention m’apportez-vous ces tristes nouvelles, lorsqu’il est trop tard pour que je puisse en prévenir les suites ? — Avec votre permission, très gracieux empereur, » répliqua le conspirateur non sans rougir ni balbutier, « telle n’était pas mon intention… J’avais espéré vous soumettre un plan par lequel j’aurais aisément réparé cette petite, erreur. — Eh bien ! votre plan, monsieur ? » dit l’empereur sèchement.

« Avec la permission de Votre Majesté sacrée, dit l’Acolouthos, je me serais chargé moi-même du soin de conduire contre ce Tancrède et ses Italiens les haches de la fidèle garde varangienne, qui ne s’inquiétait pas plus de ce petit nombre de Francs, que le fermier ne s’inquiète des troupes de rats et de souris, ou de toute autre vermine malfaisante qui vient se loger dans ses greniers. — Et que voulez-vous que je fasse, pendant que mes Anglo-Saxons se battront pour moi ? demanda l’empereur. — Votre Majesté, » répondit Achille, qui n’était pas tout-à-fait satisfait de la manière sèche et caustique avec laquelle l’empereur lui parlait, « peut se mettre à la tête des cohortes immortelles de Constantinople. Je vous réponds que vous pouvez rendre complète la victoire sur les Latins, ou du