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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/367

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le mari et la femme doivent par prudence oublier leurs fautes l’un envers l’autre aussitôt que la nature humaine le leur permet. La vie est trop courte et la tranquillité conjugale trop incertaine pour qu’on puisse insister long-temps sur des sujets si irritants. Rentrez dans vos appartements, princesses, et préparez les brodequins écarlates, ainsi que les broderies qui décorent le collet et les manches de la robe du césar, et qui indiquent son haut rang ; il ne faut pas qu’on le voie demain sans cette robe… Révérend père, je vous rappelle que le césar est sous votre garde personnelle jusqu’à demain à pareille heure. »

Ils se quittèrent, l’empereur alla se mettre à la tête de ses gardes varangiens ; le césar, sous la surveillance du patriarche, rentra dans l’intérieur du palais de Blaquernal, où Nicéphore Brienne se trouva dans la nécessité de dévoiler au patriarche la trame embrouillée de la rébellion, et de donner sur le complot tous les renseignements qui pouvaient être à sa connaissance.

« Agelastès, dit-il, Achille Tatius et Hereward le Varangien étaient les personnages spécialement chargés de la diriger ; mais ont-ils été tous fidèles à leurs engagements, c’est ce que je ne prétends pas savoir. »

Dans l’appartement des femmes, il y eut une violente discussion entre Anne Comnène et sa mère. Pendant cette journée la princesse avait si souvent changé d’idées et de sentiments, que, quoiqu’ils eussent tous fini par lui inspirer le plus vif intérêt en faveur de son mari, cependant à peine la crainte de le voir puni avait-elle disparu, que le ressentiment de son ingrate conduite commença à renaître. Elle sentit en même temps qu’une femme douée de talents tels que les siens, et qui avait été, par une longue suite de flatteries universelles, disposée à concevoir une haute idée de son importance, ferait une bien pauvre figure après avoir été le jouet passif d’une multitude d’intrigues par suite desquelles on devait disposer de sa personne d’une manière ou d’une autre, suivant les caprices d’une bande de conspirateurs subalternes. Aucun d’eux n’avait seulement songé à la regarder comme un être capable de former un désir en sa propre faveur, ni même de donner ou de refuser son consentement. L’autorité de son père sur elle, et le droit qu’il avait de disposer de sa fille étaient plus incontestables ; mais alors même il y avait quelque chose d’indigne d’une princesse née dans la pourpre, d’une femme auteur dont les écrits donnaient l’immortalité, à être jetée sans son propre consentement, à la tête, pour dire ainsi,