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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/382

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sous le siège des spectateurs. Il en fut probablement délogé par le tumulte que fit la multitude en se dispersant ; et en conséquence il avait été forcé de se montrer au public au moment où il le désirait le moins, à peu près comme le fameux polichinelle, quand au dénouement du drame il engage un combat à mort avec le diable lui-même : scène qui excite à peine autant de terreur parmi les jeunes spectateurs, que n’en causa l’apparition inattendue de Sylvain parmi les témoins du combat singulier. Arcs furent tendus et javelines pointées par les plus braves soldats, contre un animal d’une nature si étrange ; sa taille extraordinaire, son ignoble figure le faisaient prendre, par tous ceux qui le regardaient, pour le diable en personne ou pour l’apparition de quelqu’une de ces divinités infernales d’autrefois, qu’adoraient les païens. Sylvain avait acquis assez d’expérience pour comprendre suffisamment que l’attitude prise par tant de soldats indiquait un danger imminent contre sa personne, et il se hâta de se mettre à l’abri en courant se placer sous la protection d’Hereward avec qui il s’était un peu familiarisé. Il le saisit donc par son manteau, et par l’expression singulière et alarmée de ses traits étranges, ainsi que par des cris sauvages et inarticulés, il chercha à exprimer sa frayeur et à demander protection. Hereward comprit les terreurs de la pauvre créature, et se tournant vers le trône de l’empereur, dit à haute voix : « Pauvre bête effrayée, adresse ta prière et tes gestes suppliants à un homme qui, après avoir abandonné aujourd’hui tant de crimes volontairement et méchamment commis, ne se montrera pas inflexible envers un être tel que toi, pour ceux que ta raison t’a laissé commettre. »

L’animal, comme c’est l’usage de son espèce, imita aussitôt et avec beaucoup de bonheur les gestes et les supplications d’Hereward lui-même, tandis que l’empereur, malgré la scène sérieuse qui venait de se passer, ne pouvait s’empêcher de rire du trait de comédie que ce dernier incident y ajoutait.

« Mon fidèle Herevard, dit-il (en ajoutant à part lui : je ne l’appellerai plus Édouard si je puis), tu es le refuge des affligés, hommes et bêtes ; et jamais prière qui passera par ta bouche, tant que tu seras à notre service, ne sera faite en vain. Aie la complaisance, toi, bon Hereward… (car ce nom était alors très bien gravé dans la mémoire de l’empereur) toi, avec ceux de tes compagnons qui connaissent les habitudes de cet animal, de le reconduire à son ancien logement dans le Blaquernal ; et cela fait, mon ami, songe que nous requérons ta compagnie et celle de ta fidèle Bertha, pour