Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/66

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d’intelligence, comme pour fixer réciproquement leur attention sur le jeu muet du chef des Varangiens.

Pendant ce temps, le dialogue entre l’empereur et le soldat continuait : « Comment as-tu trouvé ce vin, comparé à celui de Laodicée ? demandait l’empereur. — Mon seigneur et maître, » répondit Hereward, en saluant à la ronde avec une sorte de grâce naturelle, « il y a ici une meilleure compagnie que celle des archers arabes ; mais il y manque, selon moi, quelque belle qu’elle soit, la chaleur du soleil, la poussière du combat et la noble fatigue d’un tel fardeau porté pendant huit heures, » ajouta-t-il en présentant sa hache : « tout cela donne de la saveur à une coupe de bon vin. — Il manque peut-être encore autre chose, » dit Agelastès, surnommé l’Éléphant ; « et si toutefois il m’est pardonné d’oser le dire, » ajouta-t-il, en portant un regard d’humilité vers le trône, « je pense que cette coupe peut paraître fort petite comparée à celle de Laodicée. — Par Taranis ! vous dites vrai, s’écria le Varangien, car à Laodicée, en effet, ce fut mon casque qui me servit de coupe. — Voyons les deux coupes, l’ami, » dit Agelastès toujours sur le même ton de raillerie, « afin de nous assurer que tu n’as pas avalé la dernière ; car, à la manière dont je t’ai vu boire, j’ai craint un moment qu’elle ne passât par ton gosier avec le contenu. — Il y a des choses que je n’avale pas aisément, » répondit le Varangien d’un ton calme et indifférent ; « mais il faut qu’elles viennent d’un homme plus jeune et plus actif que vous. »

Le sourire effleura de nouveau les lèvres de tous les assistants, et ils semblèrent se dire des yeux que le philosophe, bien qu’il fût de profession une espèce de bel-esprit, avait trouvé son maître dans cette circonstance. L’empereur dit alors :

« Et je ne t’ai pas fait venir ici, mon brave, pour y être en butte à de sottes railleries. »

Agelastès se retira derrière le cercle comme un limier que le chasseur vient de châtier pour avoir aboyé mal à propos. La princesse, dont la belle figure avait exprimé un certain degré d’impatience, prit enfin la parole : « Vous plaira-t-il donc, mon souverain et mon père bien-aimé, d’apprendre à ceux qui ont le bonheur d’être admis dans le temple des Muses, pourquoi vous avez ordonné que ce soldat fût introduit ce soir dans un lieu si fort au dessus de son rang dans le monde ? Permettez-moi de dire que nous ne devons pas prodiguer en plaisanteries vaines le temps précieux consacré au bien de l’empire, comme doit l’être chaque instant de votre vie. —