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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/69

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à mes propres paroles. » À ces mots, il jeta un regard sur Hereward, qui baissa gravement la tête, comme pour confirmer ce que son capitaine venait de dire. Achille, soutenu par ce témoignage muet, continua d’un ton plus ferme : « Quant à ce que j’ai dit tout à l’heure relativement à son courage, j’ai parlé sans réflexion, car au lieu de prétendre qu’Hereward ferait face à quatre des sujets de Votre Majesté impériale, j’aurais dû dire plutôt qu’il était disposé à défier six des plus mortels ennemis de Votre Majesté, en leur laissant de plus le choix du temps, du lieu et des armes. — Ceci résonne beaucoup mieux, reprit l’empereur, et vraiment je dirai pour l’instruction de ma très chère fille, qui a pieusement entrepris d’écrire l’histoire de ce que le ciel m’a permis de faire pour le salut de l’empire, que je désire ardemment qu’elle se souvienne que, bien que l’épée d’Alexis ne se soit pas rouillée dans le fourreau, cependant il n’a jamais cherché à accroître sa renommée au prix du sang de ses sujets. — Je me flatte, répondit Anne Comnène, que, dans mon humble esquisse de la vie du noble et illustre prince auquel je dois l’existence, je n’ai pas oublié son amour pour la paix, ses égards pour la vie du soldat, et son horreur pour les coutumes sanguinaires de ces hérétiques qu’on nomme Francs. J’ai représenté ces précieuses qualités, je le pense du moins, comme l’un des traits les plus marquants de son caractère. »

Prenant alors l’attitude imposante d’une personne qui veut réclamer l’attention de l’assemblée qui l’environne, elle fit une légère inclination de tête à tout son auditoire ; et saisissant un rouleau de parchemin des mains de la belle esclave qui lui servait de secrétaire, et qui avait écrit sous la dictée de sa maîtresse en caractères de la plus grande beauté, Anne Comnène se prépara à lire.

En ce moment, les regards de la princesse se fixèrent un instant sur le jeune barbare, et elle daigna lui adresser ces paroles :

« Vaillant barbare, que mon imagination se rappelle confusément comme on se souvient d’un songe, tu vas entendre la lecture d’un ouvrage qui, si l’on met l’auteur en comparaison avec le sujet, peut être assimilé au portrait d’Alexandre, pour l’exécution duquel quelque mauvais peintre aurait dérobé le pinceau d’Apelles ; mais cet essai cependant, quelque indigne qu’il puisse être du sujet aux yeux d’un grand nombre de gens, doit pourtant exciter quelque envie dans l’esprit de ceux qui examinent avec candeur et bonne foi la difficulté de bien représenter le grand personnage dont il est question. Je t’engage donc à donner toute ton attention à ce que je