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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/78

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Laodicée. La ville était éloignée d’environ cent stades, et quelques uns de nos guerriers les plus confiants prétendaient pouvoir déjà distinguer les tours et le sommet des édifices, brillant aux rayons naissants du soleil qui n’était pas encore très élevé au dessus de l’horizon. Un torrent, prenant sa source sur les montagnes au pied d’un énorme rocher qui s’entr’ouvrait pour lui donner naissance, comme s’il eût été frappé par la baguette du prophète Moïse, versait ses trésors liquides dans les campagnes inférieures, fertilisant, dans son cours incliné, de gras pâturages et même de grands arbres, jusqu’à une distance de quatre ou cinq milles : là, pendant les temps de sécheresse, les eaux se perdaient parmi des monceaux de sable et de pierres, qui attestaient la force et la fureur des flots dans la saison des pluies.

« C’était un plaisir de voir l’attention qu’apportait l’empereur au bien-être de ses compagnons et des défenseurs de sa marche. Les trompettes sonnaient de temps en temps pour annoncer à diverses bandes de Varangiens la permission de déposer leurs armes, de prendre la nourriture qui leur était distribuée, et d’étancher leur soif au cours limpide du ruisseau qui roulait ses ondes bienfaisantes au pied de la colline, où on les voyait étendre leurs formes athlétiques sur le gazon. On servit aussi un déjeuner à l’empereur, à sa sérénissime épouse, aux princesses et aux dames, près de la fontaine même où le ruisseau prenait naissance. Le respect des soldats s’était abstenu de souiller cette eau par des mains profanes, la réservant pour l’usage de la famille, que l’on dit énergiquement être née dans la pourpre. Notre époux bien-aimé était aussi présent dans cette occasion, et fut des premiers à s’apercevoir de l’un des désastres de cette journée ; car, quoique par la dextérité des officiers de la bouche, tout le reste du repas eût été ordonné de manière à présenter, même dans une circonstance si terrible, très peu de différence avec le service ordinaire du palais, néanmoins, lorsque Sa Hautesse impériale demanda du vin, non seulement la liqueur sacrée destinée à l’usage particulier de ses lèvres impériales se trouva entièrement épuisée ou restée en arrière, mais encore, pour employer le langage d’Horace, on ne put même se procurer le plus vil produit des vignobles de la Sabinée ; de sorte que Sa Hautesse impériale se trouva heureuse d’accepter l’offre d’un rustique Varangien, qui lui présenta sa modique portion de décoction d’orge que ces barbares préfèrent au jus de la treille. L’empereur toutefois accepta ce grossier tribut. »