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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 24, 1838.djvu/92

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à empêcher qu’elles ne parussent aux yeux du public, sentant qu’il fallait toute la force réunie de sa famille pour se maintenir dans un empire si agité.

Il pressa la main de son gendre au moment où Nicéphore, passant devant le siège impérial, fléchit le genou en signe d’hommage. L’air contraint de l’impératrice indiqua plus de froideur dans la réception de son gendre, et la belle Muse elle-même daigna à peine paraître s’apercevoir de l’arrivée de son bel époux, lorsque celui-ci prit à ses côtés le siège vacant dont nous avons déjà fait mention.

Il y eut une pause désagréable pendant laquelle le gendre de l’empereur, reçu froidement lorsqu’il s’attendait à se voir bien accueilli, essaya d’entamer quelque conversation futile avec la belle esclave Astarté, qui était à genoux derrière sa maîtresse. Mais cet entretien fut interrompu par la princesse, qui ordonna à sa suivante de renfermer le manuscrit dans la petite cassette destinée à cet usage, et de le porter dans le cabinet d’Apollon, théâtre habituel des études de la princesse, comme le temple des Muses était ordinairement consacré à ses lectures.

L’empereur fut le premier à rompre ce silence désagréable. « Beau gendre, dit-il, quoiqu’il se fasse un peu tard, vous perdrez beaucoup si vous permettez à notre fille Anne de renvoyer ce volume ; cette société a trouvé tant de charmes dans cette lecture, qu’elle peut très bien dire que le désert a produit des roses, et que le roc nu a fourni du lait et du miel, tant est agréable le récit d’une campagne fatigante et dangereuse, dans le langage de notre fille !

— Le césar, dit l’impératrice, paraît avoir peu de goût pour les choses exquises que produit notre famille. Il s’est depuis quelque temps absenté à plusieurs reprises du temple des Muses ; et sans doute il a trouvé ailleurs une société et des plaisirs plus agréables.

— Je pense, madame, répondit Nicéphore, que mon bon goût doit me mettre à l’abri d’une telle accusation. Mais il est naturel que notre père très sacré soit le plus satisfait du lait et du miel que l’on produit pour son usage particulier. »

La princesse prit la parole du ton d’une jolie femme offensée par son amant, ressentant l’offense sans être éloignée d’une réconciliation. « Si, dit-elle, les hauts faits de Nicéphore Brienne sont moins fréquemment célébrés dans cet insignifiant rouleau de parchemin que ceux de mon illustre père, il doit me rendre la justice de se rappeler que telle a été l’invitation spéciale qu’il m’en a faite, pro-