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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/356

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portable présence, Solmes parla à son tour du ressentiment de mon père et de l’esprit de vengeance qui animerait le vieux Mowbray lui-même ; si bien que je fis vœu d’absence éternelle et que je m’exilai d’Écosse, comme on dit en ce pays,

« Et ici, remarquez mon génie : tout était contre moi dans cette affaire ; je m’arrangeai néanmoins de manière que ledit M. Francis Martigny se chargeât de tout le fardeau du mécontentement de mon père, et notre séparation, dont il devait être fort courroucé, se trouvait attribuée à mon rival. Ce fut une condition sine qua non. M. Francis accepta tout ce que je voulus ; il aurait pris le monde sur ses épaules pour mettre une éternelle séparation entre la tourterelle et le faucon qui s’était si hardiment précipité sur elle. Je ne sais ce qu’il écrivit à mon père ; quant à moi, je rejetai toute la faute sur mon compagnon, et j’obtins la permission de retourner à Londres pour ma santé. Je trouvai le comte furieux contre son fils aîné, et comme il s’était fait dévot sur la fin de ses jours, n’osant pas sans doute avouer ses peccadilles en face de la sainte congrégation, il m’institua seul héritier ; et maintenant je suis très honorable à sa place.

« Vous me direz peut-être : « Ne vous repentez-vous pas du passé ?… ne craignez-vous pas l’avenir ?… » Je me repens, mais de n’avoir pas profité de l’absence de M. Martigny et de mon intimité avec Clara pour le supplanter dans son affection. Voilà pour le repentir. Quant à la crainte, je vous répondrai que je n’ai jamais rien craint de ma vie. Mais je ne veux pas que vous me croyiez assez fou pour m’exposer à des soucis nombreux sans un motif raisonnable ; ce motif, le voici : j’entends dire qu’une attaque se prépare contre mon rang et mon état dans la société ; elle ne peut venir que de ce drôle de Martigny. Or c’est une violation du traité conclu entre nous. Peut-il donc espérer que j’abandonnerai ma femme, et, ce qui vaut encore mieux, le domaine de Nettlewood du vieux Sowgie Mowbray ? Oh ! non pas ! s’il m’attaque sur ce point, je l’attaquerai sur un autre qui ne lui sera pas moins sensible… Je ne veux point pousser les choses à l’extrémité, et ce n’est pas dans cette intention que je vous invite à venir me joindre. Il est vrai que lorsque je le rencontrai il y a quelque temps, je cédai à un malheureux mouvement de vivacité ; là était mon ennemi, ici ma paire de pistolets : telle fut la seule réflexion qu’il me fut possible de faire ; mais à l’avenir je serai sur mes gardes.

« Mais, me direz-vous encore, si je n’ai pas dessein de chercher