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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/111

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et non à un indigne instrument. — Vous voulez l’entendre ainsi, et personne ne cherche à vous contrarier ; mais je vous ai vu, Davie, envoyer un picotin d’avoine à Beersheba quand il n’en restait pas un boisseau à Woodend ; oui, je vous ai vu… — Femme, interrompit Deans, ce sont des choses qu’il faut taire, car elles ne peuvent que porter l’homme à se glorifier de ses propres actes. J’étais près du bienheureux Alexandre Peden, quand il dit que la mort et le témoignage de nos saints martyrs n’étaient que des gouttes de sang et d’encre répandues pour l’accomplissement d’un devoir. Que penser de ce que peut faire un homme comme moi ? — Voisin Deans, vous parlez comme un sage ; mais je n’en crois pas moins que vous êtes content de revoir mon enfant. Il va rester parmi nous, je pense, à moins qu’il n’aille s’établir à quelques milles de distance ; ses joues sont d’une fraîcheur qui réjouit mes vieux yeux ; il a un bel habit noir comme le ministre, et puis… — Je suis très-content de le voir bien portant et en bon chemin, » dit Deans avec un ton de gravité, comme pour couper court sur ce point ; mais une femme, une fois lancée sur un tel sujet, ne s’arrête pas si facilement.

« Il peut maintenant, continua mistress Butler, se montrer dans une chaire, ce cher enfant ! et tout le monde l’écoutera ni plus ni moins que s’il était le pape de Rome. — S’il était le !… Femme ! » dit Deans avec un ton sévère aussitôt que ce mot odieux eut frappé son oreille.

« Eh, bon Dieu ! dit la pauvre femme, j’oubliais que vous ne pouviez souffrir le pape, comme faisait mon pauvre mari, Étienne Butler. Souvent, l’après-dînée, il lui arrivait de s’élever contre le pape, le baptême des enfants, et cætera. — Femme ! répéta Deans, parlez d’autres choses, ou gardez le silence. Je vous dis que l’indépendance est une horrible hérésie, l’anabaptisme une erreur condamnable, qu’il faudrait toutes deux déraciner du pays avec le feu de l’autorité spirituelle et le glaive du pouvoir temporel. — Bien, bien, voisin ; je ne nie pas que vous ayez raison, répondit la soumise Judith. Je suis sûre que vous êtes un bon guide quand il s’agit de semer ou de moissonner : pourquoi ne le seriez-vous pas également en ce qui touche les affaires de l’Église ? Mais mon petit-fils Reuben Butler… — Femme, » dit Davie d’un ton solennel, « Reuben Butler est un jeune homme à qui je veux autant de bien que s’il était mon propre fils ; mais je crains que sa marche ne soit pas toujours droite ; je crains que ses talents ne