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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/143

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« Vous ne le savez pas ? » dit Butler se promenant dans la chambre d’un air d’impatience. « Vous irez trouver un jeune homme que vous ne connaissez pas, à une telle heure, dans un lieu aussi solitaire… Vous dites que vous y êtes forcée, et cependant vous prétendez ne pas connaître celui qui exerce une pareille influence sur vous… Jeanie, que dois-je penser de tout cela ? — Pensez seulement, Reuben, que je dis la vérité, comme je la dirai au jour du jugement. Je ne connais pas cet homme, je ne crois pas l’avoir jamais vu, et cependant il faut que je fasse ce qu’il demande… Il y va de la vie ou de la mort. — Ne voulez-vous point en parler à votre père et l’emmener avec vous ? dit Butler. — Je ne le puis, dit Jeanie, cela ne m’est pas permis. — Et moi, voulez-vous que je vous accompagne ? je vous attendrai dans le parc à la nuit tombante, et je me joindrai à vous quand vous sortirez. — C’est impossible, dit Jeanie, aucun être mortel ne peut entendre notre entretien. — Avez-vous bien considéré ce que vous allez faire ? l’heure, l’endroit, cet homme inconnu et suspect ? S’il avait demandé à vous voir dans cette maison, votre père étant dans la chambre voisine et pouvant vous secourir, à une pareille heure, vous auriez dû le refuser. — Il faut que mon sort s’accomplisse, monsieur Butler ; ma vie et ma sûreté sont entre les mains de Dieu, mais je ne dois pas craindre de les exposer pour l’objet dont il s’agit. — Alors, Jeanie, » dit Butler fort mécontent, « il nous faut rompre sur-le-champ et nous dire adieu ; quand il n’y a pas de confiance entre un homme et celle qui lui est promise, sur un point aussi important, c’est une preuve qu’elle ne tient plus guère à ce qui fait la force et le charme de leur engagement. »

Jeanie le regarda en soupirant : « Je croyais, dit-elle, être préparée à supporter cette séparation, mais je ne prévoyais pas que nous dussions nous quitter ainsi. Cependant je ne suis qu’une femme et vous êtes homme… Ce n’est pas la même chose pour vous. Si votre cœur en souffre moins, en pensant mal de moi, je ne vous demanderai pas de penser autrement. — Vous êtes, dit Butler, ce que vous avez toujours été, meilleure, plus sage et moins égoïste dans votre naïveté, que je ne le suis avec tout le secours qu’un chrétien peut emprunter à la philosophie. Mais pourquoi… pourquoi persévérez-vous dans un projet si extraordinaire ?… Pourquoi ne pas me permettre de vous accompagner pour vous protéger, ou du moins vous conseiller ? — Parce que