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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/213

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Tous les regards se tournèrent alors vers elle, toutes les oreilles s’ouvrirent. « Parlez, dit le magistrat. — Ce sera dans votre intérêt, » lui dit le clerc de la ville d’un ton encourageant.

Elle continua à garder un silence opiniâtre pendant deux ou trois minutes, jetant autour d’elle des regards où se peignait la joie maligne que lui causait l’incertitude où elle les tenait tous ; se décidant enfin : « Tout ce que je sais, dit-elle, c’est qu’il n’était ni gentilhomme, ni officier, mais un brigand et un gueux comme la plupart d’entre vous. Eh bien ! que me donnerez-vous pour cette nouvelle maintenant ? Prévôt ou bailli aurait pu rester long-temps au service de la bonne ville avant d’en avoir découvert autant, mes enfants. »

Madge entra en ce moment, et sa première exclamation fut : « Eh, mon Dieu ! ne voilà-t-il pas notre vieille diablesse de mère ! Ma foi, messieurs, il faut convenir que nous sommes une belle famille, nous voilà déjà deux réunies ici ; et cependant nous avons vu de meilleurs jours, n’est-ce pas, ma mère ? »

Les yeux de la vieille Maggie avaient exprimé quelque chose qui ressemblait au plaisir en voyant sa fille mise en liberté ; mais, soit que sa tendresse maternelle, comme celle de la tigresse, ne pût se témoigner sans qu’il s’y mêlât de la férocité, soit que les paroles de Madge eussent réveillé en elle des idées qui avaient irrité de nouveau son caractère acariâtre et farouche, elle poussa rudement sa fille du côté de la porte, en s’écriant : « Oui, oui, tu vas voir ce qui l’attend maintenant ; tu n’es qu’un cerveau timbré, une maudite échappée de Bedlam, et tu n’auras que du pain et de l’eau pendant quinze jours pour tout le mal que tu m’as donné : c’est encore trop bon pour toi, grande paresseuse. »

Madge, poussée vers la porte, échappa à sa mère, et revint en courant auprès de la table, où elle fit au juge une profonde révérence avec des gestes bizarres, et lui dit en éclatant de rire : « Notre mère est de mauvaise humeur, monsieur, suivant sa coutume ; elle a eu quelque querelle avec son vieux mari ; et c’est Satan, comme vous savez, messieurs. » Cette explication fut faite d’un ton de confidence, et les auditeurs (telle était encore la crédulité de cette génération) ne l’entendirent pas sans un frisson involontaire. « Son mari et elle ne s’accordent pas toujours bien, et c’est moi qui dois payer les violons : heureusement que j’ai bon dos, après tout. Mais si elle ne sait pas vivre, ce n’est pas une raison pour que ceux qui ont plus de jugement qu’elle ne le sa-