Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourg. À la distance d’un quart de mille est une lourde tour carrée, ancienne résidence des lairds de Libberton, qui, dans les temps anciens, dit-on, suivant les habitudes de pillage ordinaires à la chevalerie allemande, rendaient souvent leur voisinage incommode à la ville d’Édimbourg, en interceptant les convois de vivres et les marchandises qui arrivaient du sud.

Ce village, sa tour et son église ne se trouvaient pas précisément sur la route de Jeanie ; mais ils n’en étaient pas bien éloignés, et c’était dans ce village que demeurait Butler. Elle avait résolu de le voir en commençant son voyage, parce qu’elle le regardait comme la personne la plus propre à écrire à son père sa résolution et ses espérances. Il y avait probablement encore une autre raison au fond de ce cœur affectueux et fidèle : elle désirait revoir encore une fois l’objet d’un attachement si ancien et si sincère avant de commencer un pèlerinage dont elle ne pouvait se déguiser les dangers, quoiqu’elle ne se permît pas de s’en occuper d’une manière qui aurait pu nuire à la fermeté de sa résolution. Dans un autre rang que celui de Jeanie, une visite faite à un amant par une jeune personne de son âge aurait été une démarche contraire aux convenances et à la modestie ; mais la simplicité des habitudes de la vie champêtre la rendait étrangère à ces idées scrupuleuses de décorum : c’est pourquoi il ne lui vint pas dans la tête qu’il y eût rien d’inconvenant à aller dire adieu à un ancien ami en partant pour un si long voyage.

Un autre motif agissait encore sur son esprit, et la tourmentait davantage à mesure qu’elle approchait du village : la veille, ses yeux avaient cherché avec inquiétude Butler dans la salle d’audience, et elle s’était attendue à le voir paraître dans le cours de ce jour fatal, pour donner toutes les marques d’intérêt et de consolation qui dépendaient de lui à son ancien ami, au protecteur de sa jeunesse, en supposant qu’elle-même n’y fût pour rien. Elle savait, à la vérité, qu’il n’était pas entièrement libre ; mais elle avait espéré qu’il trouverait le moyen de s’échapper au moins pour un jour. Enfin ces pensées bizarres et fantasques, que Woordsworth attribue à l’imagination d’un amant absent, vinrent lui persuader, comme la seule explication de son absence, qu’il fallait que Butler fût bien malade ; et son esprit s’était tellement frappé de cette crainte, que, lorsqu’elle s’approcha de la chaumière où son amant habitait une petite chambre, et qui lui avait été désignée par une jeune fille portant un seau de lait sur la