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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/392

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fidie, la dissimulation, et de cette soif désordonnée des honneurs qui est une faiblesse commune aux guerriers.

L’Écosse, son pays natal, était, à cette époque, dans une situation très-précaire et très-incertaine. À la vérité elle était unie à l’Angleterre, mais le ciment de cette union n’avait pas encore eu le temps de prendre de la consistance. L’irritation des anciennes injures subsistait encore, et l’inquiète jalousie des Écossais, d’une part, de l’autre la fierté dédaigneuse des Anglais, amenaient fréquemment des querelles pendant lesquelles l’union nationale, si importante aux intérêts des deux royaumes, courait le plus grand danger de se dissoudre. L’Écosse avait en outre le désavantage d’être divisée en factions intestines qui se portaient une haine mortelle et n’attendaient qu’un signal pour en venir aux mains. Dans de telles circonstances, un autre homme que le duc d’Argyle, avec son rang et ses talents, mais pourvu d’un esprit moins sage et de principes moins fermes, aurait cherché à s’élever avec le tourbillon et à le diriger dans son essor. Il choisit un parti plus honorable et moins dangereux.

Supérieur à un misérable esprit de parti, il éleva toujours la voix, soit avec le ministère, soit avec l’opposition, pour les mesures qui étaient à la fois justes et modérées. Ses grands talents militaires lui permirent dans la mémorable année 1715, de rendre à la maison d’Hanovre des services qui peut-être étaient trop importants pour pouvoir être jamais reconnus ou payés. Il avait employé en même temps toute son influence pour adoucir les résultats de cette insurrection à l’égard des infortunés gentilshommes qu’un sentiment de devoir mal entendu avait entraînés à y prendre part, et il en fut récompensé par l’estime et l’amour de tous ses compatriotes. Cette popularité dont il jouissait au milieu d’une nation mécontente et guerrière excitait, à ce qu’on crut, la jalousie de la cour, où le pouvoir de devenir dangereux suffit pour rendre suspects ceux même qui ne sont pas disposés à s’en servir. D’ailleurs, la manière indépendante et un peu hautaine dont le duc d’Argyle s’exprimait au parlement et se conduisait en public, était peu propre à lui attirer la faveur royale. Il était donc toujours respecté, souvent employé, mais il n’était le favori ni de George II, ni de sa femme, ni de ses ministres. À différentes époques de sa vie, on aurait pu croire le duc en disgrâce complète à la cour, quoiqu’il fût bien difficile de voir en lui un membre déclaré de l’opposition. Il en était devenu d’autant plus cher à l’Écosse, que