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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/397

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ce que Votre Honneur sait aussi bien que moi. — Ma bonne jeune fille, » dit le duc avec douceur, « nous sommes tous portés à condamner la loi qui nous frappe directement ; mais vous semblez avoir été bien élevée dans votre classe, et vous savez que c’est également la loi de Dieu et celle des hommes qui veut que le meurtrier périsse. — Mais, monsieur, on n’a pas pu prouver qu’Effie, ma pauvre sœur, eût commis un meurtre ; et si elle ne l’a pas fait, et que la loi lui ôte la vie, qui est alors le meurtrier ? — Je ne suis pas homme de loi, dit le duc, et j’avoue que ce statut me paraît bien sévère. — Mais, avec votre permission, vous êtes de ceux qui font les lois, monsieur, et vous devez avoir du pouvoir sur elles, répondit Jeanie. — Non pas individuellement, dit le duc ; comme membre d’un corps nombreux, je n’ai que ma voix parmi toutes les autres. Mais cela ne peut vous servir ; et, dans ce moment-ci surtout, je ne crains pas de le dire, je n’ai pas même assez d’influence personnelle sur le souverain pour me croire en droit de lui demander la faveur la plus légère. Qui a pu vous porter, jeune femme, à vous adresser à moi ? — C’est vous-même, monsieur. — Moi ! répliqua-t-il ; assurément je ne vous ai jamais vue. — Non, monsieur ; mais tout le monde sait que le duc d’Argyle est l’ami de son pays, qu’il combat et qu’il parle pour la justice, et qu’enfin il n’y a personne qu’on puisse lui comparer dans Israël ; c’est pour cela que ceux qui se croient injuriés se réfugient sous votre ombre. Il n’y a que vous qui puissiez consentir à intercéder pour sauver le sang d’une innocente compatriote ; car que pourrais-je attendre des Anglais, ou de tout autre que vous ? Et d’ailleurs j’avais encore une autre raison pour m’adresser à Votre Honneur. — Et quelle est-elle ? demanda le duc. — J’ai entendu dire à mon père que la famille de Votre Honneur c’est-à-dire votre grand-père et votre père, a perdu la vie sur l’échafaud dans des temps de persécution. Et mon père aussi a eu l’honneur de rendre témoignage dans la prison et au pilori, comme on le voit dans les livres de Peter Walker le colporteur, que Votre Honneur connaît sans doute, car il fréquente particulièrement l’ouest de l’Écosse. En outre, monsieur, il y a quelqu’un qui me protège et qui m’a conseillé de me présenter devant Votre Grâce, son grand-père ayant eu le bonheur de rendre service au vôtre, comme vous le verrez par ces papiers. »

En disant ces mots, elle remit au duc le petit paquet qu’elle avait reçu de Butler : il l’ouvrit, et lut avec surprise le premier