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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/475

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« Si un grossier montagnard eût été chargé d’un tel emploi, qu’en aurait-on pu attendre, sinon qu’il se serait montré un chef de troupeaux semblable au méchant Doeg l’Édomite ? tandis que tant que cette tête blanche en aura la responsabilité, il n’y aura pas une bête qui ne soit aussi attentivement soignée que si elle faisait partie des vaches du roi Pharaon. Et maintenant, Reuben, mon garçon, voyant que nous allons transporter notre tente en pays étranger, vous allez sans doute jeter après nous un regard de regret et vous demander qui vous dirigera et vous donnera désormais des conseils dans ce temps d’irréligion et d’apostasie : et vous vous rappellerez que ce fut le vieux Davie Deans qui servit d’instrument pour vous retirer de la fange du schisme et de l’hérésie où la maison de votre père se plaisait à s’enfoncer ; souvent aussi, sans doute, quand vous serez entouré de pièges, de tentations et d’épreuves, vous qui n’êtes encore qu’une recrue, qui marchez pour la première fois au son du tambour, vous sentirez le besoin du vieux, hardi et expérimenté vétéran qui a soutenu le choc de plus d’un assaut et entendu siffler à ses oreilles autant de boulets qu’il y a de cheveux sur sa vieille tête. »

Il est très-possible que Butler pensât intérieurement que les réflexions relatives aux opinions particulières de ses pères auraient pu lui être épargnées, peut-être même poussa-t-il secrètement la présomption jusqu’à penser qu’à son âge il pouvait espérer d’être en état de se conduire d’après ses propres lumières sans avoir besoin d’être dirigé par l’honnête Davie : quoi qu’il en soit, il se contenta de répondre qu’il éprouverait le plus grand regret de se voir séparé d’un ami aussi ancien, aussi sincère et aussi éprouvé.

« Mais quel remède y a-t-il à cela, mon garçon ? » dit Davie dont les traits formèrent presque un sourire, « quel remède y a-t-il à cela ? je gage bien que vous ne pouvez m’en enseigner aucun, il faut laisser ce soin au duc d’Argile et à moi, Reuben. C’est une bonne chose que d’avoir des amis dans ce monde ; mais combien il vaut mieux encore pouvoir reporter ses espérances sur l’autre ? »

En prononçant ces mots, Davie, dont la piété, bien que souvent déraisonnable, était du moins aussi sincère que fervente et habituelle, tourna avec respect ses regards vers le ciel et s’arrêta un moment. M. Butler exprima le désir qu’il avait d’entendre son ami s’expliquer sur un sujet si important, et Davie reprit :