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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/49

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la plus terrible de l’Europe. Dans ces derniers temps, elle s’était à plusieurs reprises soulevée contre le gouvernement, et presque toujours avec un succès momentané ; elle savait donc fort bien qu’elle n’était pas en faveur auprès des ministres d’alors, et que, s’ils n’approuvaient pas entièrement la violence du capitaine Porteous, ils pouvaient du moins penser que le punir de mort, ce serait à l’avenir rendre difficile et même dangereux pour les officiers publics l’emploi de la force pour la répression des émeutes. On sentait aussi que tout gouvernement est porté à maintenir son autorité ; et il paraissait assez probable que ce qui semblait aux parents des victimes un massacre sans motif ni provocation, fût considéré tout autrement dans le cabinet de Saint-James. On pouvait y faire valoir que, au total, le capitaine Porteous était dans l’exercice de fonctions à lui confiées par une autorité compétente, l’autorité civile ; qu’il avait été assailli par la populace, que plusieurs de ses gens étaient restés sur le pavé, et qu’enfin, en repoussant la force par la force, il pouvait fort bien n’avoir voulu que se défendre lui-même tout en faisant son devoir.

Ces considérations, très-puissantes en elles-mêmes, firent craindre aux spectateurs qu’on n’eût commué la peine. Aux différents motifs qui pouvaient intéresser le pouvoir en faveur du capitaine, les dernières classes du peuple en ajoutaient un autre non moins puissant à leurs yeux : leur haine contre Porteous leur avait fait dire que, tout en réprimant avec la dernière sévérité les moindres excès des pauvres, non seulement il fermait les yeux sur les désordres des riches et des jeunes nobles, mais encore leur prêtait l’appui de son autorité dans des folies scandaleuses que son devoir était principalement de réprimer. Ce soupçon, peut-être fort exagéré, n’en fit pas moins une profonde impression sur l’esprit de la populace ; et quand on apprit que plusieurs personnes de distinction avaient présenté une pétition pour recommander Porteous à la clémence royale, on supposa généralement qu’il devait cette faveur, non à leur conviction qu’il était trop sévèrement puni, mais à leur crainte de perdre un complaisant témoin de leurs débauches. Il n’est pas besoin de dire combien ce soupçon augmenta la haine du peuple contre le coupable, et sa crainte de le voir échapper à la sentence rendue contre lui.

Pendant que ces questions se débattaient parmi les spectateurs, le silence d’attente qui avait régné jusqu’alors faisait place à un