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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/543

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talent pour faire les tartes à la crème poivrées. Mais quand ces distractions eurent perdu leur attrait à ses yeux avec leur nouveauté, elle montra trop clairement à sa sœur que le coloris brillant sous lequel elle déguisait son malheur réel lui procurait aussi peu de soulagement que l’éclatant uniforme du guerrier, lorsqu’il couvre une blessure mortelle. Elle avait des moments d’abattement où elle paraissait en proie à une mélancolie plus sombre encore que celle qu’elle avait dépeinte dans ses lettres, et qui ne convainquit que trop mistress Butler que le sort de sa sœur, tout brillant qu’il paraissait, était réellement peu digne d’envie.

Il y avait cependant pour lady Staunton une source de jouissances pures et sans mélange. Douée sous tous les rapports d’une imagination plus vive que celle de sa sœur, elle admirait les beautés de la nature avec cet enthousiasme qui compense tant de maux pour ceux que la nature en a doués. Là elle sortait tout à coup de son caractère de grande dame, et loin de montrer de la frayeur en passant près des précipices, elle se plaisait à entreprendre, guidée par les deux jeunes gens, de longues et fatigantes promenades dans les montagnes voisines. Elle allait visiter les vallons, les lacs, les cascades, les autres merveilles de la nature cachées dans les profondeurs de ces retraites sauvages. C’est, je crois, Wordsworth qui, en parlant d’un vieillard malheureux, fait l’observation suivante, qui prouve combien il a étudié la nature :

Était-ce le soucis rongeur
Qui le poussait dans sa course inégale ?
Dieu seul connut ce secret de son cœur.
Mais jusqu’à son heure fatale
Il fut des vallons d’Ennerdale
Le plus intrépide marcheur.

Ainsi donc, distraite, languissante, ennuyée dans l’intérieur de la maison, et quelquefois même laissant échapper un mouvement de dédain en contemplant l’humble simplicité qui régnait dans le ménage de sa sœur, quoiqu’elle s’efforçât au même instant de se faire pardonner par mille caresses ces petits accès d’humeur, lady Staunton, aussitôt qu’elle était à l’air libre, paraissait reprendre une nouvelle énergie et s’intéresser à tout ce qu’elle voyait. Tandis qu’elle parcourait les sites pittoresques des montagnes avec les deux jeunes gens qu’elle charmait par le récit de tout ce qui l’avait frappée dans ses voyages, et de tout ce qu’elle aurait à leur montrer à Willingham, eux, de leur côté, s’efforçaient de faire de leur mieux les honneurs du comté de Dumbar-