Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étonnait un peu le ministre, celui-ci vint à prononcer le nom de Donacha-Dhu-Na-Dunaigh, dont le lecteur a déjà entendu parler. Sir George se fit répéter ce nom avec vivacité, et parut éprouver un redoublement de curiosité. Il fit les questions les plus minutieuses sur cet homme, sur le nombre de ses gens, et même sur les traits des individus qui composaient sa troupe. Butler ne put le satisfaire sur tous ces points. Ce Donacha, dit-il, était en grande terreur parmi le peuple, qui cependant exagérait infiniment ses exploits. Il avait toujours un ou deux hommes avec lui, mais il n’avait jamais aspiré à en commander plus de trois ou quatre à la fois. Enfin, il le connaissait peu, mais assez pour lui ôter toute l’envie de le connaître davantage.

« Malgré tout cela, dit sir George, j’aimerais à voir cet homme si extraordinaire. — La vue pourrait en être dangereuse, sir George, à moins que nous ne le vissions subir le châtiment qu’il a mérité, et dans ce cas ce serait un triste spectacle. — Si chacun subissait le châtiment qu’il mérite, monsieur Butler, qui pourrait s’en croire exempt ? Mais ceci est une énigme pour vous. Je m’expliquerai plus clairement quand j’en aurai conféré avec lady Stauuton. Ramez ferme, mes enfants, » ajouta-t-il en s’adressant aux bateliers, « nous sommes menacés d’un orage. »

En effet, la pesanteur étouffante de l’air, les immenses colonnes de nuages amoncelées à l’ouest qui, sous les rayons du soleil couchant, étincelaient comme une fournaise ardente ; ce repos effrayant dans lequel la nature semble attendre l’éclat du tonnerre, de même que le soldat condamné attend le feu du peloton qui va lui ôter la vie, tout annonçait un orage prochain. De larges gouttes d’eau qui tombaient de temps en temps avaient obligé les voyageurs de se couvrir de leurs manteaux de voyage ; mais la pluie ayant cessé, une chaleur accablante, et peu ordinaire en Écosse au mois de mai, les contraignit de s’en débarrasser. « Il y a quelque chose de solennel dans le délai que cet orage met à éclater, dit sir George. On dirait qu’il suspend son explosion, comme si elle devait accompagner quelque événement important dont le monde va être témoin. — Hélas ! dit Butler, qui sommes-nous pour que les lois de la nature retardent leur marche pour se mettre en rapport avec nos actions, nos souffrances éphémères ? Les nuages crèveront lorsqu’ils seront trop chargés du fluide électrique, soit qu’une chèvre tombe en ce moment des rochers d’Arran, ou qu’un héros expire sur le champ de bataille témoin de sa