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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/575

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enfant ! dit Jeanie, savez-vous ce que vous deviendrez après votre mort ? — Je ne souffrirai plus ni la faim ni le froid, » dit le jeune homme d’un ton résolu.

« Le laisser mourir pendant que son esprit est dans cet effrayant état, ce serait détruire à la fois son corps et son âme… et cependant je n’ose le laisser aller. Que ferais-je ? mais c’est le fils de ma sœur, mon propre neveu… notre sang et notre chair… ses pieds et ses mains sont enflés par les cordes qui les serrent… Siffleur, ces cordes vous font-elles mal ? — Beaucoup. — Mais si je les desserrais, vous me feriez du mal. — Non, je ne vous en ferais pas : vous ne m’avez jamais fait de mal à moi ni aux miens. »

« Peut-être y a-t-il encore en lui quelque bon sentiment, pensa Jeanie ; voyons ce qu’on pourrait faire en le prenant par la douceur. »

Elle coupa ses liens ; il se leva tout droit, regarda autour de lui en poussant un éclat de rire de triomphe, frappa ses mains l’une contre l’autre, et bondit de joie en se voyant en liberté. Il avait l’air si farouche que Jeanie trembla de ce qu’elle avait fait.

« Laissez-moi sortir, dit le jeune sauvage. — Je ne le puis, à moins que vous ne me promettiez… — Attendez, tout à l’heure vous serez bien aise que nous puissions sortir tous deux. »

Il saisit la chandelle et la jeta au milieu d’un tas de lin, qui s’enflamma sur-le-champ. Jeanie fit un cri et sortit de la chambre ; le prisonnier se précipita sur ses pas, la devança, ouvrit une croisée du corridor, s’élança dehors, bondit dans le bois comme un jeune daim, et eut bientôt gagné le rivage. On parvint bientôt à éteindre le feu, mais on chercha en vain le prisonnier ; et comme Jeanie garda son secret, personne ne soupçonna la part qu’elle avait eue à sa fuite. Quelque temps après on connut son sort ; il était digne de la vie qu’il avait menée jusque-là.

Au moyen des plus actives recherches, Butler parvint à découvrir que le jeune homme avait gagné le vaisseau sur lequel son maître Donacha avait dessein de s’embarquer ; mais l’avide patron du bâtiment, habitué par son affreux métier à toute espèce de trahison, et frustré du riche butin que Donacha avait promis de porter à bord, s’assura de la personne du fugitif, et l’ayant transporté en Amérique, il le vendit comme esclave à un planteur de la Virginie qui demeurait bien avant dans les terres. Quand ces nouvelles arrivèrent à Butler, il envoya en Amérique une somme d’argent suffisante pour racheter la liberté du jeune